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Le procès du père Preynat renvoyé d’une journée en raison des grèves

Le procès du prêtre Bernard Preynat poursuivi pour agression sexuelle sur dix scouts, âgés de 7 à 15 ans entre 1986 et 1989, débute mardi. Il encourt jusqu’à dix ans de prison.

par Marine Babonneau, à Lyonle 13 janvier 2020

Le tribunal correctionnel de Lyon, qui doit juger l’ancien prêtre du diocèse lyonnais Bernard Preynat pour atteintes sexuelles par violence, contrainte, menace ou surprise sur dix mineurs entre 1986 et 1989, n’a pas fait droit à la demande du bâtonnier lyonnais de renvoyer le procès afin de faire face au mouvement de grève des avocats contre la réforme des retraites. La présidente du tribunal, Anne-Sophie Martinet, a opté pour la voie médiane, préconisée par certains avocats des dix parties civiles : un renvoi d’une journée.

Après les jets de robe, l’accrochage. Les avocats lyonnais, venus nombreux, ont pendu leurs robes aux balustrades du tribunal de grande instance de Lyon. Quelques pancartes affichaient le désormais rituel « Foutez-nous la paix ! » prononcé par l’avocat parisien Xavier Autain lors d’un débat télévisuel. Ils ont applaudi longtemps leur rassemblement, porté par le bâtonnier et filmé par les dizaines de caméras dépêchées pour l’ouverture du procès du père Preynat, qui comparaît pour atteintes sexuelles. Certains sont entrés dans la salle d’audience, avec leur rabat rouge. Et puis est arrivé lentement le prévenu, un monsieur à la barbe blanche, protégé par son avocat, Me Frédéric Doyez. Encerclés par les objectifs, ils ne cillent pas. Bernard Preynat s’assoit. Il y a deux chaises, il a l’air bien seul. « Vous sortez ! », intiment les policiers. « Respectez ce qu’on vous dit. Vous aurez le temps de l’interviewer après », maugrée un policier. « Non, non », lapide son avocat.

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L’audience débute et Serge Deygas, bâtonnier lyonnais, sollicite le renvoi de l’audience. « Le barreau de Lyon a voté à la quasi-unanimité la poursuite du mouvement sauf si, dans la journée, il devait y avoir des éléments rassurants de la réunion prévue à la Chancellerie. […] La position du barreau, c’est celle de 100 % des barreaux français. […] Nous sommes des professionnels indépendants, et faire sortir notre régime autonome pour un régime universel est difficilement acceptable. […] Le projet de loi prévoit l’augmentation de nos cotisations, son doublement, ce qui conduit à une très grande inquiétude pour les cabinets les plus modestes. […] Ce projet compromet notre modèle d’organisation et d’assistance des plus démunis. […] Ce combat n’est pas catégoriel, la grève est dure, elle est exceptionnelle, nous renonçons à l’exercice d’une mission fondamentale pour un intérêt supérieur : le maintien de notre modèle. Nous avons conscience des difficultés que cela pose, tout cela est grave et préjudiciable pour le justiciable, pour les magistrats, pour les avocats. Et nous avons conscience que ce procès est particulier, qu’il est très important, qu’il s’agit d’une affaire lourde pour votre juridiction, mais il n’y a pas lieu de faire un traitement spécial dans le cadre de ce mouvement. […] Cela est douloureux pour les victimes mais chaque affaire est importante. Pour l’ensemble de ces raisons, au nom du barreau de Lyon, des 3 518 avocats qui le composent, nous demandons le renvoi », a conclu l’avocat.

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Le tribunal a interrogé chaque avocat des dix parties civiles et leurs clients. Ces derniers se sont levés et ont exprimé leur compréhension du mouvement. Mais ils veulent aller « vite », que « cette affaire soit jugée le plus rapidement possible », après cinq années d’attente que la procédure soit close. Ils demandent une journée de renvoi, « pas plus ». Certains de leurs conseils sont d’accord. En raison de l’état de santé du prévenu, le renvoi total risquerait de compromettre la tenue du procès. « Ce serait prendre un risque terrible en cas d’extinction naturelle du procès. » Dominique Sauves, la procureure, est absolument contre. Renvoyer ce procès serait faire droit à une revendication « totalement étrangère au dossier » sans compter que l’organisation de l’audience a nécessité des moyens logistiques importants. Compromettre un procès en raison d’un rendez-vous à la Chancellerie n’a pas de sens, même si les revendications des avocats sont « légitimes ». « Je ne puis accepter », clôt le parquet.

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La défense est un « peu écartelée » mais, estime Me Frédéric Doyez, « je m’étais dit que j’écouterais les victimes » pour ne pas être taxé de procéder « à des demandes dilatoires » en vue d’échapper à un procès. « Je ne veux pas que, demain, il soit dit que ce renvoi a été fait la demande de Bernard Preynat. […] C’est terrible pour les victimes. » Ce procès, « cet instant de rencontres », s’il était renvoyé, remettrait ce moment « à un temps incertain ». Me Doyez est d’accord pour une journée de renvoi. « Et vous, M. Preynat », interroge la présidente. L’homme de 75 ans regarde son avocat, la présidente l’invite à se lever. Bernard Preynat veut aller « le plus vite possible ». « Cela fait cinq ans que la procédure a commencé. J’ai entendu la souffrance de ces personnes pour lesquelles je suis coupable. »

À 11 heures, l’audience est renvoyée. Elle reprend mardi matin.