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Procès pour refus de comparaître devant une commission d’enquête parlementaire : « Cette infraction n’est pas au diapason des exigences conventionnelles »

Deux membres du mouvement informel des Soulèvements de la Terre comparaissaient la semaine dernière devant la 24e chambre correctionnelle parisienne, pour ne pas avoir déféré aux convocations, en 2023, d’une commission d’enquête parlementaire sur les manifestations contre, notamment, un projet de « mégabassines ». Le parquet a requis des peines de sursis simple.

par Antoine Bloch, Journalistele 27 novembre 2024

« C’est la première fois sous la Ve République qu’une personne physique doit répondre de cette infraction », entame l’un des avocats de la défense, avant de se lancer dans un historique des commissions d’enquête parlementaires (CEP) et des dispositions qui les encadrent (Ord. n° 58-1100 du 17 nov. 1958, art. 6). Le point qui nous intéresse plus particulièrement, et qui figure dans le texte depuis 1977, concerne donc la sanction pénale (2 ans et 7 500 €) encourue par toute personne « qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment » devant une CEP. En l’espèce, au printemps 2023, l’Assemblée nationale avait adopté une résolution « tendant à la création d’une commission d’enquête sur la structuration, le financement, l’organisation des groupuscules et la conduite des manifestations illicites violentes » contre le désormais fameux projet de « mégabassines » de Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

Dans ce cadre, le secrétariat de la CEP avait convoqué deux des porte-paroles des Soulèvements de la Terre, un mouvement informel dénué de toute personnalité morale. Mais Léna L. et Yohann M. (connu et donc convoqué sous le pseudonyme de « Basile Dutertre ») avaient refusé de se rendre au palais Bourbon. Déplorant ce qu’il considérait comme un « refus de concourir à l’exercice démocratique », le président (LR) de la CEP avait saisi la procureure de la République de Paris. À l’audience, la représentante du parquet, justement, rétorque à la défense que « c’est une infraction qui n’a jamais été utilisée parce que toutes les personnes qui ont été convoquées se sont présentées » (ce qui n’est au demeurant pas tout à fait exact).

« Ils remettent en cause la démocratie parlementaire »

Le même avocat poursuit avec des nullités, et soutient notamment « qu’entre 1977 et 2024, nous avons fait de nombreux progrès, nous avons une influence de la Convention européenne des droits de l’homme qui est de plus en plus forte, et je crains que cette infraction ne soit pas vraiment au diapason de ces exigences conventionnelles ». De fait, la question des droits des personnes auditionnées pose question (Dalloz actualité, 23 juin 2023, obs. N. Coutrot-Cielinski et M. Touanssa). L’avocat cite en particulier un passage d’une décision strasbourgeoise (CEDH 19 mars 2015, Corbet et autres c/ France, nos 7494/11, 7493/11 et 7989/11, Dalloz actualité, 7 avr....

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