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Procès Tron : les accusés réfutent les « calomnies » animées par le « ressentiment »

Après trois semaines de débats, la cour d’assises de Bobigny a enfin entendu les accusés Brigitte Gruel et Georges Tron, accusés de viols et d’agressions sexuelles par deux ex-collaboratrices de la mairie de Draveil.

par Julien Mucchiellile 13 novembre 2018

Madame Loubrieu, qui avait mal digéré son licenciement de la mairie de Draveil, dit Brigitte Gruel, était en colère. Elle éprouvait de la rancune. Alors que Virginie Faux, explique-t-elle à la cour, qui l’entend pour la première fois dans ce procès débuté le 23 octobre et qui a déjà entendu des dizaines de témoins, a agi par crainte de son mari. Un mari difficile, et qui aurait pu la soupçonner d’infidélités (avérées). Alors ces femmes, conclut l’ex-adjointe à la culture, qui espéraient des postes et de l’argent, ont ourdi une machination. C’est avec le concours des bas-fonds politicards et de leurs complices, femmes elles aussi animées de malveillance, que les plaignantes, toute honte bue, ont sali la réputation des deux accusés. « Depuis sept ans, j’ai vécu un enfer à cause de ces femmes », a déclaré Brigitte Gruel d’une voix éteinte. « J’étais dans un état de délabrement psychologique total, ma femme et mes enfants étaient dévastés, dévastés », a proféré Georges Tron avec véhémence. « Madame Faux a un problème existentiel, elle a très mal pris qu’on lui dise que son comportement n’était pas compatible avec son travail », dit-il, quand le président Philippe Coirre lui demande pourquoi cette femme l’accuse de viols et d’agressions sexuelles. Éva Loubrieu, elle, a porté plainte par vengeance, affirme-t-il. Elle n’a pas supporté d’être licenciée. Alors qu’elle donnait entière satisfaction à la mairie de la culture, Éva Loubrieu a détourné des fonds de la mairie. Ce sont ses subordonnés qui ont averti madame Gruel, qui a constaté que les achats effectués pour le compte de la mairie avaient une autre destination. Éva Loubrieu s’est expliquée sur ces agissements, a réfuté être animée de toute intention de vol. « J’ai été choquée du détournement d’Éva Loubrieu, en qui j’avais placé toute ma confiance », dit l’accusée, tout comme Georges Tron a été « profondément outré » par ces faits. Et l’employée a été renvoyée. C’est ainsi que le ressentiment a motivé la plainte d’Éva Loubrieu.

Brigitte Gruel, ancienne adjointe de Georges Tron à la mairie de Draveil, a été interrogée lundi 12 novembre par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, puis Georges Tron, à son tour, fut questionné par le président. La première murmure, le second plastronne. La première est presque muette et voudrait disparaître, le second, planté à la barre les jambes écartées, pérore comme un pro. Tous deux, à leur manière, réfutent les accusations de viols et agressions sexuelles (Georges Tron) et complicité (Brigitte Gruel) en réunion.

En bloc et en chœur, ils nient tout. Les scènes de sexes, consenties ou forcées, n’ont jamais existé. Les deux femmes sont des affabulatrices. Alors, pour confronter les deux accusés, le président les a mis en présence de divers éléments leur valant une comparution devant la juridiction criminelle.

« Calomnies et contre-feu »

Avant même qu’elles aient déposé plainte et répandu leurs accusations dans la presse, le maire, l’enquête l’a relevé, a en quelque sorte organisé la riposte en établissant un dossier contre les deux femmes. Brigitte Gruel en a possédé un exemplaire à son domicile. « Ne s’agit-il pas, demande le président, de constituer des preuves contre Éva Loubrieu ? – Tout au plus, un dossier administratif », répond l’accusée. Georges Tron lui a demandé de compiler des faits sur les deux femmes, elle s’est exécutée. « J’avais beaucoup de travail, à l’époque, je ne me suis pas posée la question de savoir pourquoi un tel dossier. – Cela laisse penser que vous pourriez avoir quelque chose à craindre, et que vous auriez pu, sous la houlette de M. Tron, organiser une espèce de contre-feu », note le président, qui s’étonne aussi que le dossier foisonne d’attestations critiquant le travail et l’attitude d’Éva Loubrieu. L’avocat de cette dernière l’interroge pareillement, madame Gruel se fait plus précise : « De toute bonne foi, cette documentation était vraisemblablement compilée en vue de constituer un dossier ». Le fond des dossiers ne l’intéressait pas, « je suis un bon petit soldat ». Ils savaient que les documents étaient là, s’ils en avaient besoin.

Que ce soit pour flétrir l’image des deux femmes, affaiblir leur position, ou dans le but plus décent d’organiser la réfutation de leurs accusations mensongères afin de restaurer leur honneur, le dossier est une réalité et Georges Tron en est l’instigateur. C’était au printemps 2010 : « J’étais au gouvernement depuis mars 2010, maire de Draveil, et j’entends qu’une ancienne militante répand des bruits de la sorte, je ne peux pas vous dire que j’étais heureux. Lorsque j’ai eu vent que madame Faux se répandait en calomnies, j’ai demandé à mon chef de cabinet de démêler cette affaire ». Le président admet. Mais quel était le but des attestations signées d’employés, et qui compilaient l’ensemble des reproches que l’on pouvait adresser à Virginie Faux ? Georges Tron ne s’est pas embarrassé des détails. Il voulait que la calomnie, comme il l’appelle, cesse, mais la calomnie n’a fait qu’enfler. « Entendre tous ces gens, qui me doivent tout ou presque, venir m’insulter ici pendant trois semaines », dit Georges Tron. Il y eut six femmes, qui, toutes (et pas seulement elles), ont dit de l’accusée qu’elle était la maîtresse de son maire, ce qu’elle réfute, et toutes ces six femmes, qui l’ont répété à la barre avec force et conviction, ont dit avoir eu des relations sexuelles avec monsieur Tron et, pour l’une d’entre elles (Lucile Mignon), la relation était forcée. « Ces femmes étaient certainement amoureuses de monsieur Tron », répond Brigitte Gruel. « Est-ce que M. Tron a pu laisser l’espoir qu’il était possible qu’ils aient des relations intimes ? – Peut-être. – Pourquoi ? – Parce qu’il est charmeur, très attentionné. » À la demande du président, qui les cite une par une, Georges Tron a eu un mot pour chacun d’entre elles.

« Elle était avec cette petite bande du FN, que j’ai vue comploter »

Lucile Mignon ? Magnanime : « Elle était touchante dans tous les sens du terme, je n’ai pas regretté de lui avoir fait confiance ». Plus tard : « Madame Lucile Mignon était la plus engagée de toutes les engagées à mes côtés, puis est devenue la pire ennemie que je puisse avoir ». Lucile Mignon a révélé publiquement, au début de l’audience, qu’elle avait subi trois agressions sexuelles de sa part. Cyrille D… ? « Une femme intelligente avec beaucoup de qualités et un seul défaut : une vie personnelle extrêmement diverse, aucune limite. Elle a harcelé madame Florence D…R…. Je suis intervenu pour y mettre un terme, d’où sa volonté de méchanceté à mon encontre. » Chrystelle S… ? Il admet être tombé sous le charme de cette ancienne gymnaste professionnelle, pour qui il a éprouvé un « sentiment amoureux ». Au contraire de ce qu’elles affirment, soutient-il, il n’a jamais eu de relation sexuelle avec elles, ni avec les plaignantes, ni avec personne dans cette mairie, sauf madame Sylvie D…C…, ce qu’il a avoué au début de l’affaire, mais pas avec Brigitte Gruel : « Je n’ai jamais eu le moindre flirt avec madame Gruel, tout ce que j’ai entendu, pendant trois semaines, c’était terrifiant ».

La réflexologie ? Il pratiquait, toujours avec la permission et pas dans les contextes ambigus décrits à l’audience. Le président cite des noms, des scènes. La journaliste de Paris Match dans la voiture ? C’est faux. Avait-il l’habitude, lorsqu’il était à table, de faire du pied aux femmes ? C’est absurde. Il infirme, conteste, objecte. « Tout est faux : les massages jusqu’aux genoux, l’utilisation de bas spéciaux, la réflexologie pratiquée sans consentement. Madame R… ? « J’étais en conflit avec elle. » Madame L… ? « Elle était avec cette petite bande du FN, que j’ai vue comploter. » C’est ce mardi et avant la clôture des débats que Georges Tron, à son tour, exposera le complot politique dont il a la certitude d’être la cible.