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La succession de témoignages dans le procès pour viols en réunion de Georges Tron et son ex-adjointe à la mairie de Draveil Brigitte Gruel, dépeint un univers complexe, où rancœurs et intrigues sont légion. Le maire a le rôle d’un chef incontesté, qui entretient de nombreuses liaisons intimes avec ses employées. Mais ce tableau, réfuté, ne dit rien des faits de viols, et se cantonne à la description de comportements qui ne font pas des accusés des violeurs.
par Julien Mucchiellile 30 octobre 2018
Le personnel féminin sous l’empire de Georges Tron se divise en deux catégories : celles qui reçoivent des séances de réflexologies plantaires, et celles qui mettent des bottes pour éloigner les mains du député-maire. Mais ce n’est pas tout : « En bon naïf, j’en étais resté aux aimables papouillages sous forme de réflexologie et dont les murs de la mairie bruissaient, et on me parle de triolisme. » A la barre : un rondelet sexagénaire, chaussé de crocs, porteur de bacchantes Second empire, les mains posées sur une tête de canard qui coiffe sa canne en bois. François-Joseph R., a été un incontournable collaborateur à la mairie de Draveil et n’a aucune rancœur contre le maire. Bibliophile, reliophile, il était proche d’Eva Loubrieu qui faisait dans la reliure. Un jour, elle lui a confié : « Va falloir que je me tape les seins de Brigitte », « Y’en à marre qu’il fasse semblant, qu’il me saute une bonne fois pour toute ». Par ces formules et autres confidences, il en vient à comprendre qu’elle subi des actes sexuels, orchestrés par les deux édiles. « Il a profité de la situation d’une mère de famille qui voulait préserver l’essentiel et nourrir son fils », pense François-Joseph R. Eva Loubrieu, avant d’accuser Georges Tron et son ex-adjointe Brigitte Gruel de viols et agressions sexuelles, a participé à maintes scènes de triolisme avec les deux édiles, avant de réaliser, dit-elle, qu’elle était contrainte d’y participer. Idem pour Lucile Mignon, ancienne attachée parlementaire, qui a décrit jeudi 25 octobre à la cour d’assises de Bobigny deux scènes d’agressions sexuelles, et annoncé qu’elle était à ce sujet en procédure contre le maire de Draveil. Lucile Mignon, désormais véhémente, était à l’origine un soutien farouche du maire. Ce premier volte-face et ces nouvelles révélations, avec effet d’audience, ne jouent pas en la faveur de sa crédibilité.
À la mairie, il y avait aussi Cyrille D. Lors de son premier entretien avec Georges Tron, elle souffrait d’une entorse cervicale. « Il m’a proposé tout de suite une séance de réflexologie plantaire, j’ai dû mettre une paire de mi-bas spécialement conçue. » Cyrille D., comme Eva Loubrieu, était mère célibataire, a cherché un emploi auprès de Georges Tron, a eu des relations intimes avec lui. Mais ne lui en fait pas le reproche. « C’était une relation consentie, il ne m’a jamais contrainte. Au contraire : c’est quelque chose qui m’a fait du bien à un moment où j’en avais besoin », dit-elle. Georges Tron conteste l’existence de cette relation. Cyrille D. faisait partie d’un trio de femmes employées de la mairie, un même trio qui se prêtait aux fantasmes du maire. Il y a Sylvie D. C., maîtresse avérée de Georges Tron, et Florence D. R., dont Cyrille D. dit qu’elle fut son amante. Madame D. R. nie avoir eu la moindre relation intime avec le maire et avec Cyrille D.
Madame D. R., d’une manière générale, a nié et oublié presque tout ce qui a trait aux faits de viols, pour lesquels Georges Tron et Brigitte Gruel sont jugés, jusqu’au 16 novembre, par la cour d’assises de Bobigny. Cyrille D. est assise dans la salle, lorsqu’elle entend Florence D. R. nier lui avoir glissé un mot d’amour lorsqu’elles se fréquentaient. Elle l’entend reléguer leur liaison sentimentale, que Cyrille D. avait revendiqué à la barre, à de la simple amitié. Elle l’entend rabaisser au rang de rumeurs indignes, les scènes de sexe avec les accusés qu’elle avait décrites avec une sérénité et une pudeur qui confèrent à son propos, dans cette affaire pleine de coups bas, force et sincérité.
Haines recuites et coups bas
La salle d’audience, depuis une semaine, est le réceptacle des haines recuites habituellement calfeutrées dans les murs capitonnés du bureau du maire, Georges Tron, dont la seule certitude est qu’il demeure le chef incontesté du « château » de Draveil. Ceux qui restent sous son joug rejettent, comme leur patron, les turpitudes et perversions qu’on lui prête. « Ridicule ! », lance Martine T., 21 ans au service de Georges Tron, dès que sa réputation est salie dans le prétoire. D’Eva Loubrieu, elle a dit que c’était une « salope ». Un peu gênée à la barre, elle tempère : c’était au sens de « garce ». Elle précise : « Je ne l’ai pas côtoyée, c’était des faits qui étaient rapportés, mais il n’y a pas de fumée sans feu », dit-elle. Des massages prodigués aux pieds de son employé, Martine T. dit : « On ne parle pas de massages, mais de points de pression, et si ça ne plaît pas, elle n’avait qu’à le dire ! » Elle a un ton outré, car tout est ridicule dans cette affaire.
Une autre dame, la gardienne du château, est venue dire tout le mal qu’elle pense de l’autre accusée, Virginie Faux, redevenue Virginie Ettel. La gardienne a une confiance aveugle dans le maire, pour qui elle nourrit une admiration palpable. Mme Faux ? « Alcoolique », dit-elle après maints détours. La gardienne, qui loge au château et dont trois frères et sœurs travaillent à la mairie de Draveil, n’a rien à ajouter.
C’est un point avec lequel Djamel A. est en accord. Lui-même s’est pochetronné avec Virginie, et un soir, ils ont même fait des massages, « avec finition buccale », baragouine-t-il. La plaignante nie cette relation. Ce témoignage, aussi furtif que grossier, la campe en ivrogne débauchée et menteuse. C’est toujours ça de pris pour la défense. Il y a aussi le chirurgien esthétique Olivier G., sexagénaire souriant à gourmettes, qui a eu une liaison rapide avec Virginie Ettel, après lui avoir fait une abdoplastie. L’intéressée nie cette relation. Ce témoignage, attesté par des messages écrits, la fait passer pour une dissimulatrice, la défense en prend bonne note.
« Je pense qu’il a un problème sexuel »
Jusqu’alors, et en attendant le témoignage de Virginie Ettel, prévu mercredi 31 octobre, personne n’a été témoin direct des faits de viols. Une rumeur disait que François-Joseph R. avait lorgné une fellation par le trou de la serrure de la porte du bureau de Georges Tron. Hélas infondée, a-t-il confirmé. Mais Cyrille D., désormais loin de Draveil, a donné l’apparence de décrire la vérité crue.
Il en est de même pour Chrystelle S., embauchée à 29 ans pour être l’attachée parlementaire de Georges Tron. « Georges Tron était quelqu’un qui savait me valoriser, disait toujours des choses gentilles. Il pratiquait pas mal de réflexologie avec moi. » Leur relation devient intime : « Je l’aimais beaucoup car il me mettait beaucoup en valeur, j’avais l’impression d’être plus qu’une employée, qu’il avait des sentiments pour moi. Et bon, du coup, j’en avais aussi pour lui. » Elle évoque « une idylle, un flirt », des caresses, mais ce n’est pas allé jusqu’au bout. Elle a fini par se lasser des séances de réflexologie, a enfilé des chaussettes et des bottes, avant de quitter la mairie en 2008. « Je crois que j’ai fait le bon choix, car ce comportement, il ne l’avait pas qu’avec moi. Je pense qu’il a un problème sexuel. Comme s’il voulait assouvir quelque chose sans se salir. » Elle ne l’avait pas revu avant de venir au procès.
Isabelle I. est loin désormais, dans la sécurité privée, mais elle était à l’époque une ardente militante UMP. Quand elle est partie de Savigny-sur-Orge à Draveil, on l’a prévenue : « Attention à tes pieds ! » Devenue attachée parlementaire du maire à l’âge de 24 ans, elle confirme la réflexologie pour toutes et pour elle. « La directrice de la communication m’a dit : “la mairie de Draveil, c’est Dallas, y’a des histoires de maîtresses répudiées. Sylvie D. C. est la maîtresse en chef, Gruel, c’est l’ancienne Pompadour.” » Isabelle I. mettait des bottines, mais elle a mis aussi beaucoup d’ardeur à défendre le maire au début de l’affaire. « J’ai défendu M. Tron par loyauté. » Elle a rencontré des journalistes pour la riposte médiatique, a détruit des dossiers à la broyeuse, et distillé les éléments de langages voulus par la mairie. Finalement, Isabelle I. mollit dans son soutien, subit des brimades, dit-elle, une mise au banc, et quitte, acculée, ce bourbier de Draveil.
Aujourd’hui, sept témoins sont attendus à la barre de la cour d’assises de Bobigny.
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