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Article
Produits défectueux : indifférence de la destination privée ou professionnelle du bien endommagé
Produits défectueux : indifférence de la destination privée ou professionnelle du bien endommagé
Si le législateur européen limite l’application de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juin 1985 – de laquelle découle la responsabilité du fait des produits défectueux – à la réparation d’un bien destiné à un usage privé et a exclu son application à la réparation d’un bien à l’usage professionnel, il n’interdit pas aux États membres d’en faire, malgré tout, application lorsque les conditions de cette responsabilité sont réunies.
par Anaïs Hacenele 26 septembre 2018
La responsabilité du fait des produits défectueux, issue de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 transposée en droit interne par la loi du 19 mai 1998, est aujourd’hui inscrite aux articles 1245 et suivants du code civil. Elle a cette particularité de transcender la frontière entre le droit privé et le droit public et de s’appliquer indistinctement selon que la victime est liée ou non par contrat au producteur responsable (C. civ., art. 1245).
C’est de l’application de ce régime et de son articulation avec d’autres responsabilités dont il est question dans l’arrêt de rejet rendu le 11 juillet 2018.
L’affaire en cause concernait un accident dû à une surtension sur le réseau électrique et à l’explosion d’un transformateur située à proximité d’une propriété à l’origine de l’incendie d’un bâtiment d’exploitation. Le propriétaire et son assureur avaient assigné une société en sa qualité de producteur sur le fondement de l’ancien article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil. La société avait soulevé la prescription de l’action en responsabilité en se prévalant de la responsabilité du fait des produits défectueux visée aux articles 1386-1 et suivants, devenus 1245-1 du code civil. Considérant que le régime applicable était celui de la responsabilité du fait des produits défectueux, la cour d’appel de Versailles l’a jugé prescrite et l’a déclarée irrecevable.
Contestant cette décision, le propriétaire victime s’est pourvu en cassation en avançant d’une part, que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du domaine de la directive précitée ; d’autre part, que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité sauf s’ils sont fondés sur le défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. En retenant le contraire, la cour d’appel de Versailles aurait violé les articles 1386-18 et 1384, alinéa 1er, du code civil dans leur version applicable antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016.
Insensible à cette argumentation, la deuxième chambre civile rejette le pourvoi. Elle rend sa décision en trois temps auxquels correspondent trois enseignements.
- Le premier enseignement porte sur le droit applicable lorsque le siège du dommage est un bien utilisé dans un cadre professionnel. La Cour de cassation rappelle que le législateur national n’a pas entendu limiter le champ d’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux à la réparation du dommage causé à un bien destiné à l’usage ou la consommation privés et utilisé à cette fin.
Il est vrai que la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée dans ce cadre ne relève pas du champ d’application de la directive (CJCE 4 juin 2009, aff. C-285/08, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, D. 2009. 1731, et les obs. , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2047, chron. J. Rochfeld ; ibid. 2010. 49, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2009. 738, obs. P. Jourdain ; JCP 2009, n° 25, obs. Y. Picod, n°...
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