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Projet de loi Antigaspillage : le compromis trouvé sur la consigne

Députés et sénateurs ont considérablement élargi l’ambition du projet de loi sur l’économie circulaire dont le nombre d’articles a été multiplié par dix.

par Marie-Christine de Monteclerle 16 janvier 2020

Alors que le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire présenté par la secrétaire d’État Brune Poirson en juillet dernier (Dalloz actualité, 15 juin 2019, obs. M.-C. de Montecler) comptait treize articles, le texte adopté par l’Assemblée nationale en décembre dernier dépassait les cent trente. Les sénateurs, puis les députés ont cherché à élargir l’ambition du projet. Et si seuls sept articles ont été adoptés conformes, relevait le sénateur Hervé Maurey, président de la commission mixte paritaire (CMP), c’est souvent parce que les autres « ont été enrichis » et non détricotés.

Le point le plus délicat du texte était la mise en place d’une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. Les élus locaux avaient manifesté une ferme hostilité à ce dispositif qu’ils voyaient comme un risque majeur de déstabilisation des filières de tri. Les sénateurs avaient donc supprimé du texte toute référence à la consigne pour recyclage (l’approuvant en revanche pour le réemploi). Le président de la République avait fini par admettre, lors du dernier congrès des maires, que la consigne ne pouvait se faire sans l’accord des élus. Le compromis, amorcé par les députés lors de leur examen du texte et finalisé en CMP, consiste à laisser du temps aux communes et intercommunalités pour faire la preuve de l’efficacité de leurs dispositifs. Le texte fixe un objectif de collecte pour recyclage des bouteilles de 77 % en 2025 et 90 % en 2029. Par ailleurs, le nombre de bouteilles plastiques à usage unique pour boisson mises sur le marché doit être réduit de moitié d’ici à 2030. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) devra publier chaque année une évaluation des performances en matière de tri de ces bouteilles. Ce n’est qu’après la publication, en 2023, du bilan de l’année 2022 que le gouvernement pourra éventuellement mettre en place un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi.

De nouvelles filières REP pour les mégots et les chewing-gums

Les autres volets du texte étaient beaucoup plus consensuels. Le Parlement a renforcé les obligations que voulait imposer le gouvernement en matière d’information des consommateurs, notamment sur la réparabilité des produits. Il a validé également la réforme des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP). Celle-ci passe par la création de nouvelles filières (matériaux de construction, jouets, articles de sport et de loisir, article de sport et de loisir, articles de bricolage et jardinage, produits du tabac équipés d’un filtre en plastique, lingettes préimbibées, gommes à mâcher synthétiques non biodégradables, engins de pêche contenant du plastique). Mais aussi par l’extension de filières existantes (par exemple celles des emballages à ceux destinés aux professionnels). Par ailleurs, les missions des filières REP sont élargies (obligation d’adopter une démarche d’écoconception, soutien aux filières de réemploi, etc.).

Sénateurs et députés se sont accordés sur la fixation ou le renforcement d’un certain nombre d’objectifs de la politique des déchets. Ainsi, la France devrait réduire le volume des déchets ménagers et des déchets d’activités économiques de 15 % en 2030 ; atteindre 100 % de plastique recyclé d’ici le 1er janvier 2025 ; mettre fin à la mise sur le marché des emballages plastiques à usage unique d’ici 2040 ou encore réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2025 dans la distribution alimentaire et la restauration collective, d’ici 2030 dans les autres secteurs.

La commande publique doit donner l’exemple

Ils ont souhaité également que les personnes publiques soient exemplaires dans leurs achats comme dans leurs dons (v. encadré). À compter du 1er janvier, elles devront dans leurs achats, dès que cela est possible, réduire la consommation de plastiques à usage unique et la production de déchets et privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées en prévoyant des clauses et des critères utiles dans les cahiers des charges. Elles devront promouvoir le recours à des logiciels dont la conception permet de limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation. Les biens qu’elles acquerront devront être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit. De même, elles devront acquérir en priorité des pneus rechapés.

La commission mixte paritaire est également parvenue à un accord sur une série de mesures de lutte contre les dépôts sauvages de déchets. Le texte permet notamment au maire de prononcer une amende administrative dans un tel cas. Il habilite les agents de surveillance de la voie publique et les agents habilités et assermentés des collectivités à constater les infractions liées aux dépôts sauvages. Il permet aussi de mettre en fourrière les véhicules utilisés pour commettre de telles infractions, voire de les confisquer.

Parmi les autres mesures validées par la CMP, on peut encore citer : l’accroissement de la possibilité d’utiliser les eaux de pluie et de réutiliser les eaux usées traitées ; l’encouragement des conventions entre collectivités afin de permettre aux producteurs de déchets de pouvoir déposer ceux-ci dans le lieu de collecte le plus proche (qui peut appartenir à l’intercommunalité voisine) ; l’accélération de l’harmonisation des schémas de collecte des emballages ménagers et l’attribution aux régions d’une compétence en matière d’économie circulaire.

Le texte de la CMP devrait être voté par l’Assemblée nationale le 21 janvier 2020 puis par le Sénat le 30.

Extension du domaine du don

Les parlementaires souhaitent élargir la possibilité pour les personnes publiques de donner les biens dont ils n’ont plus l’usage en vue leur réutilisation. Ainsi, les collectivités territoriales pourront offrir leur ancien matériel informatique à toutes les associations reconnues d’utilité publique. Les acteurs de la filière de distribution et les établissements de santé pourront céder le matériel médical dont ils veulent se défaire à des associations et structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) dont l’un au moins des objets est de reconditionner ce matériel. L’État pourra céder aux structures de l’ESS les constructions temporaires et démontables dont il n’a plus l’usage.