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Le projet de loi de prorogation précise les mesures permises par l’état d’urgence sanitaire

Le conseil des ministres a adopté ce samedi le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Celui-ci contient des mesures annoncées mardi par Édouard Philippe précisant le régime de mise en quarantaine des personnes infectées et créant une base de données pour réaliser des enquêtes épidémiologiques. Il sera débattu au Sénat dès lundi.

par Pierre Januelle 2 mai 2020

Comme pour l’état d’urgence en 2015 et 2016, les projets de loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire sont l’occasion pour le gouvernement d’introduire ou de préciser certaines des mesures. La commission des lois du Sénat débattra du projet de loi dès lundi et il sera mardi en séance. Mercredi et jeudi, ce sera au tour de l’Assemblée nationale. En cas de commission mixte paritaire conclusive le 8 mai, le texte pourrait ainsi entrer en application dès le début du déconfinement, le 11 mai.

Précisions sur la mise en quarantaine

L’article premier de l’avant-projet prévoit de proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 23 juillet. Une durée qui pourrait évoluer pendant les débats parlementaires.

Les articles suivants modifient les mesures permises par cet état d’urgence. Actuellement, cet état d’urgence sanitaire permet la mise en quarantaine et l’isolement de personnes, des mesures jusqu’ici uniquement mises en place en outre-mer. Le projet de loi prévoit que le ministère pourra fixer, après accord du comité scientifique, la durée et les conditions d’une mesure de quarantaine avec isolement. Lors de son discours, Édouard Philippe a précisé que ces conditions d’isolement pourraient être adaptées en fonction des régions. La quarantaine pourra se faire soit au domicile (dans ce cas, tout le foyer sera confiné), soit dans des hôtels réquisitionnés.

Restriction importante par rapport au droit actuel, en l’état du projet de loi, la quarantaine ne pourra être imposée qu’en cas d’arrivée sur le territoire national, dans une collectivité d’outre-mer ou en Corse. Elle sera dans ce cas décidée après constatation médicale de l’infection, par le préfet au vu du certificat médical. Cette quarantaine pourra aller jusqu’à l’interdiction de toute sortie du domicile. Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention pourra être saisi par la personne à tout moment. Il statuera dans les soixante-douze heures. Ce juge pourra également s’autosaisir et son accord sera obligatoire pour une prolongation de la mesure au-delà de quatorze jours. Dans les autres cas ne prévoyant pas un isolement sans sorties, c’est le juge administratif des référés qui restera compétent. Il s’agit de séparer ici ce qui relève de la privation des libertés (juge judiciaire) de la restriction des libertés (qui restera de la compétence du juge administratif).

L’article 2 prévoit également de modifier d’autres mesures de l’état d’urgence sanitaire. Le gouvernement souhaite ainsi clarifier la disposition qui lui permet de réquisitionner des personnes (selon le Sénat, au moins 265 réquisitions de personnels de santé ont eu lieu depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, v. Dalloz actualité, 1er mai 2020, art. P. Januel). Il veut aussi réglementer plus simplement l’usage des transports ou l’ouverture de certains types d’établissements, en vue du déconfinement. Il ne s’agit plus de fermer les transports et les commerces, mais plutôt de les adapter (par exemple en imposant le port du masque).

Par l’article 5, le gouvernement souhaite aussi élargir les personnes habilitées à constater les infractions aux mesures de l’état d’urgence. Devraient ainsi pouvoir dresser les procès-verbaux les réservistes, les adjoints de sécurité, mais également les agents assermentés des services de transport, dès lors que la contravention aura lieu dans des transports publics.

Un fichier pour les enquêtes épidémiologiques

Dans son discours mardi à l’Assemblée, Édouard Philippe a insisté sur la nécessité de casser les chaînes de transmission, en identifiant au plus vite les personnes ayant été au contact des personnes infectées. Des brigades sanitaires, d’environ 20 000 à 30 000 personnes, seront chargées de remonter la liste des cas contacts, pour les inviter à se faire tester.

Pour cela, l’article 6 va créer une base de données pour ces enquêtes épidémiologiques. Ce fichier pourra contenir des données de santé et d’identification sur les personnes infectées et celles ayant été en contact avec elles, le cas échéant sans leur consentement. Il pourra également être nourri des données de Santé publique France, de l’assurance maladie et des agences régionales de santé. Les services de santé et les laboratoires autorisés à réaliser les tests pourront avoir accès aux données.

Les mesures d’application seront précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, et par ordonnances. L’application de tracking StopCovid pourra être mise en place par ces ordonnances, mais le premier ministre a promis un débat et un vote spécifique, quand sa mise en œuvre aura avancé (v. Dalloz actualité, 29 avr. 2020, art. P. Januel).