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Promesses de cession d’actions, engagement perpétuel et détermination du prix

Par un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation a jugé que les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité, alignant ainsi sa jurisprudence sur le droit issu de l’ordonnance du 10 février 2016, même pour les contrats soumis au droit de 1804. Par ailleurs, elle a rappelé qu’un prix plafonné n’était pas déterminable si le prix servant à dire si le plafond est atteint n’est pas lui-même déterminable.

Le salarié d’une filiale avait acquis 500 actions de la société mère du groupe par un acte du 10 juillet 2013. Il adhérait dans le même temps à un pacte d’actionnaires qui énonçait des promesses unilatérales croisées de vente et d’achat des titres des salariés en cas de départ de la société. En vertu de ce pacte, l’actionnaire salarié s’engageait, en cas de rupture du contrat de travail, à céder ses actions à une personne physique qui était désignée dans l’acte. Ce bénéficiaire s’engageait, de son côté, à acquérir les actions si l’option était levée. Il pouvait en outre se substituer à toute personne.

Quant au prix, le pacte distinguait deux régimes. L’article 6.1 prévoyait un prix pour les actions, qui était fixé selon des modalités particulières. En outre, en cas de licenciement du salarié, l’article 6.2 disposait que le prix fixé serait plafonné au prix d’achat si le salarié avait acquis les titres dans les vingt-quatre mois précédant la rupture.

Au cas présent, le salarié a été licencié le 5 février 2014, soit moins de vingt-quatre mois après l’acquisition des titres. Le bénéficiaire de l’option s’est substitué à la société mère qui, le 1er juin 2015, a exercé la promesse portant sur les 500 actions. Le salarié a cependant refusé le transfert des titres, ce qui lui a valu d’être assigné en exécution forcée du pacte.

Par un arrêt du 22 mai 2020, la cour d’appel de Paris a ordonné l’exécution forcée du contrat et le transfert des titres à la société mère. Formant un pourvoi en cassation, le salarié a fait valoir que la cour d’appel aurait dû juger que le pacte d’actionnaires était un engagement perpétuel sanctionné par la nullité. Par ailleurs, il a critiqué la cour d’appel en ce qu’elle n’aurait pas recherché si le prix énoncé dans le pacte était déterminé. La cour d’appel avait en effet jugé que, puisque le plafonnement devait trouver à s’appliquer en l’espèce, il n’était pas utile de rechercher si le prix de l’article 6.1 était suffisamment déterminable.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 septembre 2022, a rejeté le moyen relatif à la prohibition des engagements perpétuels au motif que « [l]es engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat, mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable » (I). Elle a en revanche cassé partiellement l’arrêt quant à la détermination du prix en jugeant que la cour d’appel avait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134, devenu 1103, du code civil, en ne recherchant pas, « comme elle y était invitée, si le prix fixé par l’article 6.1 du pacte d’actionnaire, dont l’article 6.2 ne faisait que plafonner le montant dans certaines hypothèses, était déterminable ».

Ainsi, par cet arrêt, la Cour de cassation se prononce clairement sur la sanction des engagements perpétuels, même pour les contrats antérieurs à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats. En outre, elle pose que la fixation d’un plafond de prix, dont il n’est pas certain qu’il soit déterminable, n’est pas suffisante pour que la condition de détermination du prix soit remplie.

Les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité

Il est un principe en droit français que les engagements perpétuels sont prohibés. Le nouvel article 1210 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le précise très clairement en son alinéa 1er. Par ailleurs, l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats a permis de clarifier la sanction puisque, désormais, « [c]haque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée » (al. 2e). Ainsi, pour tous les contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, il ne fait aucun doute que la sanction de la perpétuité est la possibilité pour le cocontractant d’y mettre fin « à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable » (art. 1211).

Le régime antérieur était beaucoup moins clair et la sanction était discutée en doctrine (B. Fages, Droit des obligations, 11e éd., LGDJ, 2021, § 345, p. 295 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2e éd., LexisNexis, 2018, p. 505 ; Rép. civ., Contrat : effets, par G. Chantepie, nos 140-141 ; F. Chénedé, Le nouveau droit des obligations et des contrats, 2e éd., Dalloz, 2018, § 126.23, p. 130 ; R. Libchaber, Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés, Rev. soc. 1995. 437 ).

La Cour de cassation jugeait en effet traditionnellement qu’un contrat perpétuel était frappé de...

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