Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Le prononcé de la peine en appel et la substitution de motifs : exit le contradictoire

Aucun texte n’impose au juge de soumettre au débat contradictoire la peine qu’il envisage de prononcer parmi celles qui sont encourues. Il en résulte qu’il peut ordonner l’une des mesures de confiscation prévues par la loi sans que le fondement de celle-ci doive être au préalable contradictoirement débattu.

Le prononcé de la peine est une phase procédurale particulière, en ce que les principes qui le régissent répondent à une logique propre au jugement, mais avec un regard de plus en plus tourné vers l’exécution (V. not. Rép. pén., Peine : nature et prononcé, par J.-P. Céré et L. Grégoire, nos 135 à 174). Elle s’inscrit par ailleurs dans une double logique. D’un côté, un contrôle accru de la motivation de la peine (Crim. 1er févr. 2017, n° 15-84.511, n° 15-85.199 et n° 15-83.984, Dalloz actualité, 15 févr. 2017, obs. S. Lavric ; AJDA 2017. 256 ; D. 2017. 961 , note C. Saas ; AJ pénal 2017. 175, note E. Dreyer ; AJCT 2017. 288, obs. S. Lavric ; Légipresse 2017. 69 et les obs. ; ibid. 260, Étude N. Verly ; Dr. pénal 2017. Comm. 50, obs. V. Peltier ; Dr. pénal 2017. Comm. 69, obs. E. Bonis-Garçon ; Gaz. Pal. 28 mars 2017. 17, obs. A. Mihman et A. Maes).

De l’autre, la Cour de cassation a tendance à offrir certaines dérogations procédurales au juge, lors du prononcé de la peine (v. par ex., s’agissant de l’absence d’obligation de notifier son droit de se taire à la personne coupable, Crim. 17 nov. 2021, n° 21-80.567, Dalloz actualité, 25 nov. 2021, obs. M. Dominati ; D. 2021. 2090 ; ibid. 2022. 1487, obs. J.-B. Perrier ; AJ pénal 2021. 600 et les obs. ; ibid. 600 et les obs. ). L’arrêt rendu le 1e février 2023 en est la parfaite illustration. En effet, en 1996, elle avait déjà considéré que « le prononcé d’une peine complémentaire n’est pas subordonné au visa, dans le titre de poursuite, du texte qui le prévoit » (Crim. 24 janv. 1996, n° 94-86.152, Procédures 1996, n° 149 (1re esp.), obs. Buisson). Puis, l’année dernière, en s’appuyant sur sa jurisprudence de 1996, elle a élargi son raisonnement via un arrêt passé inaperçu : « la substitution de fondement opérée ne constitue pas un moyen de droit nouveau dès lors que la possibilité de fonder une peine de confiscation sur l’article 131-21 du code pénal et sur la libre disposition du prévenu sur le véhicule en cause a été mise dans les débats par les motifs de la décision des premiers juges » (Crim. 8 juin 2022, n° 21-85.422). Enfin, en 2023, la chambre criminelle poursuit et aboutit sa démonstration : « aucun texte n’impose au juge […] de soumettre au débat contradictoire la peine qu’il envisage de prononcer et qu’il détermine librement parmi les peines […] encourues par le prévenu. Il en résulte qu’il peut ordonner l’une [….] des mesures de confiscation prévues par la loi, sans que le fondement de celle-ci doive être au préalable contradictoirement débattu » (§§ 11-12 de la présente décision).

Le contexte

Les modalités du prononcé de la confiscation sont strictement encadrées. Dans une telle situation, le juge doit ainsi s’assurer du caractère confiscable du bien, en préciser la nature et l’origine, le fondement de la mesure et, le cas échéant, opérer un contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu (Crim. 23 nov. 2022, n° 21-85.668, Dalloz actualité, 4 janv. 2023, obs. C. Fonteix ; D. 2022. 2163 ; AJ pénal 2023. 46, obs. M. Hy ; ibid. 2022. 594 et les obs. ; 24 juin 2020, n° 19-85.074, Dalloz actualité, 4 sept. 2020, obs. S. Goudjil ; D. 2020. 1361 ; 27 juin 2018, n° 16-87.009, Dalloz actualité, 24 juill. 2018, obs. M. Recotillet ; D. 2018. 1494 ; ibid....

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :