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À propos des débiteurs de l’obligation d’information en matière médicale
À propos des débiteurs de l’obligation d’information en matière médicale
Sur le fondement de l’obligation d’information, le Tribunal judiciaire de Poitiers a condamné, le 2 juin dernier, un médecin, un pharmacien ainsi que trois laboratoires pharmaceutiques, à indemniser une patiente.
En matière médicale, l’obligation d’information est centrale dans la relation praticien-patient. Nécessaire à une bonne compréhension de son état par le patient et au recueil de son consentement, elle relève d’un véritable devoir « d’humanisme médical » (Rép. civ., v° Médecine : réparation des conséquences des risques sanitaires, par E. Terrier et J. Penneau, n° 82). C’est au nom de cette obligation que le Tribunal judiciaire de Poitiers a condamné, le 2 juin dernier, un médecin, un pharmacien ainsi que trois laboratoires pharmaceutiques, à indemniser une patiente.
Entre 1991 et 2013, une patiente a été traitée avec de l’Androcur, un médicament dérivé de la progestérone ayant une action antihormonale. En 2013, la patiente s’est vu diagnostiquer plusieurs méningiomes, qui auraient pour cause la prise d’Androcur pendant plus de vingt ans. En 2019, la patiente a assigné en référés les laboratoires Bayer et Bayer HealthCare, ainsi que le médecin prescripteur, le pharmacien délivreur, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le ministre de la Santé et des solidarités, la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) et la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Vienne. La prescription de l’action invoquée par le laboratoire Bayer HealthCare ayant été rejetée par la Cour d’appel de Poitiers, puis par la Cour de cassation, un premier rapport d’expertise est rendu en avril 2021. Ce rapport a conclu que la patiente s’était également vu délivrer de l’Androcur commercialisé par deux autres laboratoires : le laboratoire Sandoz et le laboratoire Mylan, devenu Viatris Santé. Le rapport a aussi conclu que l’état de la victime n’était pas consolidé.
En 2022, la victime a assigné les laboratoires Bayer HeathCare, Viatris Santé et Sandoz, ainsi que le médecin prescripteur et son assureur (la MACSF), le pharmacien délivreur et son assureur (la MADP), la CPAM de la Vienne et la MGEN.
En juin 2023, le juge de la mise en état a déclaré l’action recevable, rejetant les moyens de prescription invoqués par les laboratoires Bayer et Sandoz et a ordonné une seconde expertise. La Cour d’appel de Poitiers ayant confirmé l’ordonnance, le rapport a été rendu en novembre 2023 et a conclu, notamment, que l’état de la victime était consolidé depuis le 15 septembre 2023. Par une nouvelle ordonnance rendue en novembre 2024, le juge de la mise en état a rejeté l’exception de prescription invoquée par le laboratoire Viatris Santé, et la clôture des débats a, finalement, été fixée au 20 mars 2025.
Le 2 juin 2025, la première chambre civile du Tribunal judiciaire de Poitiers statue donc sur la question de la responsabilité des laboratoires ayant fabriqué et commercialisé le médicament, mais également sur celle du médecin prescripteur et du pharmacien délivreur. La patiente demande à la juridiction poitevine la réparation du préjudice subi en raison d’un défaut d’information, préjudice distinct des atteintes corporelles. Les juges du fond ont fait droit à sa demande et ont condamné les laboratoires, le médecin et le pharmacien à l’indemniser. La solution est l’occasion de revenir sur différentes constantes de la responsabilité médicale, telles que la preuve du lien de causalité, le préjudice réparable ou encore l’obligation d’information qui pèse sur les professionnels de santé. Elle suscite également la discussion sur le fondement et les conditions de la responsabilité des laboratoires.
Sur le lien de causalité et le dommage réparable
En premier lieu, le Tribunal de Poitiers a retenu qu’il existait un lien de causalité entre les méningiomes et la prise de l’Androcur, en se fondant sur le rapport d’expertise remis en avril 2021. Ce rapport avait mis en exergue le fait qu’il persistait des incertitudes s’agissant du lien de causalité, mais qu’il existait différents éléments qui permettaient de conclure à un lien « direct et exclusif entre le traitement par l’acétate de cyprotérone et la croissance des méningiomes ». Parmi ces éléments, on retrouve la durée très longue de la consommation de la molécule litigieuse, le cumul des doses reçues, qui multipliait par vingt le risque de méningiome, ou encore le fait que la victime ne présente pas d’autres facteurs de risque. Autrement dit, il existe un faisceau d’éléments permettant de déduire l’existence d’un lien entre la pathologie et la prise d’Androcur, et les juges se sont fondés sur ce faisceau d’indices pour retenir l’existence d’un lien de causalité. La solution est assez classique, car ce n’est pas la première fois que les juges se contentent d’un lien de causalité suffisamment probable, sans exiger la preuve scientifique d’un lien certain entre le développement d’une pathologie et la prise d’un médicament. Songeons, par exemple, au contentieux relatif à la vaccination contre le virus de l’hépatite B. La Cour de cassation a admis l’existence d’un lien de causalité entre l’administration du vaccin et le développement de la sclérose en plaques, car il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant d’établir un tel lien, quand bien même une incertitude scientifique persistait (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 05-20.317, Dalloz actualité, 30 mai 2008, obs. I. Gallmeister ; RTD civ. 2008. 492, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2009. 200, obs. B. Bouloc
; C. Radé, Causalité juridique et causalité scientifique : de la distinction à la dialectique, D. 2012. 112
; JCP 2008. II. 10131, note L. Grynbaum). Le jugement rendu le 2 juin dernier est ainsi une nouvelle illustration du recours aux présomptions du fait de l’homme quand il est question d’établir un lien de causalité entre la prise d’un médicament et le développement d’une pathologie. Cette souplesse dans l’appréciation de la causalité se justifie particulièrement en matière de dommages causés par des médicaments, pour lesquels il n’est pas possible d’établir un lien direct et certain. Seule une causalité suffisante peut véritablement être établie (Rép. civ., v° Responsabilité : généralités, par P. le Tourneau, n° 41).
En second lieu, les juges ont admis la réparation de deux préjudices moraux : le préjudice d’impréparation et le préjudice de perte de chance. Le préjudice d’impréparation correspond, en l’espèce, au préjudice moral résultant du défaut d’information qui est imputé aux laboratoires, au médecin et au pharmacien. La réparation de ce préjudice est admise par la jurisprudence (v. Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.510, Dalloz actualité, 23 juill. 2012, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 2277 , note M. Bacache
; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout
; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain
; RTD eur. 2013. 292-36, obs. N. Rias
), et il se distingue du préjudice de perte de chance. Le préjudice d’impréparation est un préjudice moral spécifique qui consiste, pour le patient, à ne pas avoir pu se préparer à la possibilité du dommage, en raison d’un défaut d’information. Quant au préjudice de...
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