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Propos incriminants tenus hors interrogatoire : illustrations

L’arrêt examine successivement l’impossibilité de retranscrire les propos du gardé à vue avant que lui soit notifié son droit de se taire, l’incidence de propos incriminants tenus lors d’une mesure d’expertise, ainsi que la possibilité, pour toute partie y ayant un intérêt, à se prévaloir de la méconnaissance d’une disposition édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l’administration de la preuve.

Voulant échapper à leur interpellation, deux suspects ont pris la fuite au volant de leur véhicule, avant de percuter un fonctionnaire de police. Finalement interceptés, les deux hommes étaient placés en garde à vue, notamment pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique. Au cours de la notification de ses droits, le passager s’est ouvertement étonné de la qualification juridique retenue, se livrant alors à des déclarations spontanées, retranscrites sous la forme d’un procès-verbal de renseignements.

À la suite d’une ouverture d’information judiciaire, le conducteur a été mis en examen des chefs de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique et refus, par le conducteur d’un véhicule, d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d’infirmité, et le passager pour complicité de ce dernier délit.

Une requête en annulation de pièces de la procédure a été présentée, des suites de laquelle l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction a été frappé de plusieurs pourvois. Suivant jonction des différents recours, puis examen immédiat, la Cour de cassation se prononce par un arrêt riche d’enseignements.

De l’interdiction de retranscrire les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié

Dès lors que le mis en cause n’avait pas encore reçu notification de son droit de se taire, avant que ne soient recueillies ses déclarations spontanées, la chambre de l’instruction avait ordonné l’annulation du procès-verbal de renseignements susvisé.

Dans le cadre de son pourvoi, le parquet général a réprouvé cet argumentaire, en affirmant que rien n’interdisait à l’officier de police judiciaire de consigner les déclarations faites, librement, par le suspect avant la notification de ses droits.

En réponse, la Cour de cassation lui oppose que « les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits ». Une telle solution n’est pas inédite : dans une affaire relativement semblable, la chambre criminelle a déjà pu censurer une juridiction n’ayant pas annulé un procès-verbal relatant des déclarations incriminantes, faites par une personne gardée à vue, n’ayant pas encore été informée de son droit de garder le silence et d’être assistée d’un avocat (Crim. 5 juin 2019, n° 18-83.590, inédit). Il s’agit là de garantir l’effectivité des droits de la personne suspectée, à compter du moment où celle-ci se trouve informée qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction, tel que le réclame notamment la directive (UE) 2012/13 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012.

La formulation retenue par la Cour ne concerne qu’un espace temporel, restreint et circonscrit, situé entre le placement en garde à vue et la notification des droits. Pour autant, une fois les droits valablement notifiés, la question de la retranscription des déclarations spontanées, faites hors interrogatoire, peut rester source de contestation, dès lors que : d’une part, seule une raison impérieuse, tenant aux circonstances de l’espèce, semble pouvoir autoriser les services enquêteurs à recueillir les déclarations spontanées faites par le gardé à vue, sur les faits, sans procéder à une audition dans le respect des règles légales, l’autorisant à garder le...

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