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Les propositions choc du rapport Cap 22

Le fameux rapport qui doit permettre de transformer l’État ne comporte guère d’idées innovantes. Mais ses préconisations pourraient fâcher de nombreuses catégories de la population, des fonctionnaires aux associations familiales.

par Marie-Christine de Monteclerle 25 juillet 2018

C’est une organisation syndicale, Solidaire finances publiques, qui a mis fin au jeu de cache-cache. Elle a publié le 20 juillet 2018 sur son site internet le fameux rapport du comité Action publique 2022, couramment appelé Cap 22. Annoncé par le gouvernement à l’origine pour fin mars, ce rapport issu des travaux d’une trentaine de personnalités venus d’horizons divers que le premier ministre avait invitées à trouver les voies pour transformer l’État (v. Dalloz actualité, 18 oct. 2017, obs. M.-C. de Montecler isset(node/187154) ? node/187154 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187154).

Le premier ministre avait indiqué le 12 juillet que les sujets traités par le rapport seraient approfondis par des ateliers et les décisions du gouvernement annoncées sur chaque thème avant une publication globale à la fin de l’année. Mais quelques jours plus tard, le texte avait fuité dans le Figaro, provoquant notamment une vive réaction du représentant de l’Association des maires de France au sein du comité. Philippe Laurent avait évoqué, le 19 juillet, un « jeu de dupes » et révélé que lui-même et d’autres membres du comité avaient, en prenant connaissance du pré-rapport, « clairement manifesté leur très grande réserve, voire leur opposition totale, à la fois au ton général du rapport, qui stigmatisait la fonction publique, et à certaines propositions radicales, comme la quasi-disparition des communes ou encore la généralisation du contrat dans la fonction publique », et demandé à ne pas être signataires de ce rapport.

On comprend mieux les réticences du gouvernement à rendre public le texte à la lecture des vingt-deux propositions, dont quatre visent à « transformer radicalement le service public et changer de modèle » ; treize portent sur des politiques publiques spécifiques et cinq visent à « éviter les dépenses publiques inutiles ». Ces mesures, affirme le comité, devraient permettre « d’améliorer les comptes publics d’une trentaine de milliards d’euros à l’horizon 2022 ».

Recours au contrat de droit privé

Pour « changer de modèle », le rapport préconise de donner plus de responsabilités aux managers publics, notamment en définissant une nouvelle répartition des rôles entre le politique et l’administration et en donnant de la souplesse en matière de gestion des ressources humaines. Il en appelle à un recours massif au numérique et au développement des guichets d’accueil unique. Mais les propositions choc figurent dans le volet « bâtir un nouveau contrat social entre l’administration et ses collaborateurs ». Il y est préconisé « d’assouplir le statut pour offrir la possibilité d’évolutions différenciées, notamment des rémunérations entre les trois fonctions publiques ». Ou encore d’élargir le recours au contrat de droit privé comme voie « normale » d’accès à certaines fonctions du service public (sans préciser lesquelles).

Sur les politiques publiques, le rapport oscille entre des préconisations relevant du lieu commun – comme le rapprochement de la médecine de ville et de l’hôpital en matière de santé – et des propositions qui risquent de mettre le feu aux poudres – comme une réflexion sur l’augmentation des droits d’inscription dans les universités, l’augmentation du temps de travail des enseignants ou la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Enfin, parmi les mesures de réduction des dépenses, le comité préconise que l’État se retire totalement de certaines compétences décentralisées.

La fédération des services publics CGT, l’un des premiers syndicats à réagir au rapport, a estimé que « toutes les ritournelles ultra-libérales y passent » et que « plus archaïque et plus éculé, on ne peut pas trouver ! ». Ajoutant qu’elle n’était guère étonnée dès lors que « la majorité du comité est à la fonction publique et à l’intérêt général ce que Guy des Cars était à la littérature romanesque ou ce qu’Éric Zemmour est au féminisme ».