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Protection de l’identité des victimes d’infractions sexuelles

Dans un arrêt du 7 février 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise la portée du délit de diffusion non autorisée d’image ou de renseignements sur l’identité d’une victime d’infraction sexuelle au regard du droit à la liberté d’expression.

Une personnalité publique fait l’objet, en 2018, d’une mise en examen pour des faits de viol. L’une de ses accusatrices, constituée partie civile dans l’affaire, organise sous un pseudonyme une cagnotte en ligne destinée à financer ses frais de justice. Sur la page de l’opération de récolte de fonds figure toutefois, outre sa photographie, son véritable nom en qualité d’organisatrice. En septembre 2019, le mis en cause entame la campagne promotionnelle d’un ouvrage visant à le défendre publiquement. À cette occasion, il fait publier sur un site internet dédié à l’ouvrage un communiqué de presse citant à huit reprises le véritable nom de son accusatrice. Le même jour, il cite son nom à deux reprises lors d’une entrevue avec un journaliste dans une émission d’actualité matinale. Quelques jours plus tard, enfin, paraît l’ouvrage en question, dans lequel figure le nom de la partie civile à quatre-vingt quatre reprises.

L’intéressé est cité par le ministère public devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de diffusion d’image ou de renseignement sur l’identité d’une victime d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle (Loi du 29 juill. 1881, art. 39 quinquies), en qualité d’auteur principal s’agissant du communiqué et des propos télévisés, et en qualité de complice s’agissant de l’ouvrage. La juridiction parisienne le déclare coupable et le condamne à une peine d’amende 3 000 € (dont 2 000 avec sursis). Sur appel de l’ensemble des parties, la cour d’appel de Paris confirme le jugement sur la culpabilité, tout en l’infirmant sur la peine, qu’elle porte à 1 000 € en tenant compte du fait que la partie civile a contribué à sa propre identification. Par arrêt rendu le 7 février 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le prévenu.

Cet arrêt fait suite au refus de la Cour de transmettre au Conseil constitutionnel deux QPC présentées en l’espèce par le prévenu et visant l’article 39 quinquies de la loi de 1881 (Crim. 10 août 2022, n° 22-81.057 QPC, Dalloz actualité 9 sept. 2022, obs. M. Slimani ; D. 2022. 1470 ; AJ pénal 2022. 478, obs. J.-B. Thierry ; Légipresse 2022. 464 et les obs. ; ibid. 544, étude E. Raschel ). Les deux premières branches du pourvoi, qui arguaient de l’inconstitutionnalité des dispositions en cause, s’en trouvaient dès lors privées d’objet. La Haute juridiction était ainsi saisie de deux interrogations : l’une, relative à la portée du mot « victime » au sein de cette disposition ; et l’autre, à la compatibilité de la condamnation du demandeur au pourvoi avec le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, eu égard à la circonstance...

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