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La protection du lanceur d’alerte dépend de la constatation d’un crime ou délit potentiel signalé

Afin de reconnaître la nullité du licenciement du salarié dénonçant des faits illicites dans l’entreprise auprès de son employeur, les juges du fond doivent constater que le salarié, dans le courriel dont il était fait grief dans la lettre de licenciement, avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime et que l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par ce message, le salarié dénonçait de tels faits.

La protection des lanceurs d’alerte en droit interne est le fruit d’une succession de textes législatifs (J. Icard, L’alerte individuelle en droit du travail, Dr. soc. 2017. 545 ). Le dernier en date est la loi dite « Waserman » du 21 mars 2022 (Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte), qui transpose la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union européenne (Dir. [UE] 2019/1937, JOUE L 305, p. 17). Étirant le cadre de protection des lanceurs d’alerte dans l’entreprise, les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2022 (pour une analyse du nouveau régime, v. M. Labarthe, Le nouveau cadre légal de protection du salarié lanceur d’alerte : quel(s) équilibre(s) ?, Dr. soc. 2023. 245 ; S. Levy-Regnault et J.-Y. Kerbourc’h, La saga du régime des lanceurs d’alerte, JCP S 2022. 1267).

Néanmoins – et logiquement – la Cour de cassation est régulièrement amenée à se prononcer sur les anciens dispositifs. Par ce nouvel arrêt du 1er janvier 2023, statuant sur le mécanisme de protection dans sa version issue de la loi Sapin II, la chambre sociale commande aux juges du fond de vérifier précisément l’objet du signalement dans le courriel envoyé par le salarié (C. trav., art. L. 1132-3-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique).

En l’espèce, le directeur d’exploitation d’une société, associé à hauteur de 15 % des parts sociales, avait adressé le 27 décembre 2017 un courriel au président de la société pour manifester son désaccord avec la mise en place d’une carte de fidélité. Il fut licencié le 5 mars 2018 pour faute grave et insuffisance professionnelle. Estimant son licenciement nul, en ce qu’il serait fondé sur l’alerte émise par ledit courriel, le directeur saisit la juridiction prud’homale.

La cour d’appel prononce la nullité du licenciement, considérant que ce dernier était consécutif, au moins pour partie, à une dénonciation d’un fait pouvant recevoir une qualification pénale. Les juges du fond relèvent plusieurs éléments. D’abord, le directeur avait adressé au président de la société ledit courriel, dans lequel il manifestait son désaccord concernant la nouvelle offre de fidélité. Selon ce dernier, la légalité de la procédure était douteuse et l’opération portait préjudice au...

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