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Provocation à la haine raciale : pas d’absolution pour les textes religieux

Le juge n’a pas à apprécier le bien-fondé d’un texte religieux mais l’utilisation qui a pu en être faite, son sens et sa portée, dans le contexte d’un prêche, afin d’analyser si les propos poursuivis contiennent une exhortation à la haine ou à la violence.

par David Pamart, Magistratle 18 janvier 2024

À la suite de propos tenus en langue arabe dans une mosquée, puis mis en ligne sur une chaîne YouTube sous le titre « l’entité sioniste », un imam était renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de provocation publique à la haine ou à la violence à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion.

Il lui était reproché d’avoir tenus les propos suivants : « notre Prophète, le grand, le vénéré Mahomet, messager de Dieu, nous a dit à propos de la bataille finale, de la bataille décisive le jour du jugement ne parviendra que quand les musulmans combattront les juifs, le juif se cachera derrière l’arbre et la pierre, et l’arbre et la pierre diront oh musulman, oh serviteur de Dieu, il y a un juif derrière moi, viens et tue-le, sauf algharqada, qui est l’un des arbres des juifs » ; « la corruption morale des israélites dans l’histoire est nombreuse ; ils ont tué des prophètes c’est un pêché, ils ont falsifié la Torah, c’est un pêché, leur adoration du veau d’or est un pêché » ; « observez bien les paroles de Dieu envers les israélites » ; « nous vous avons redonné encore une fois » ; « la force, l’argent, les canaux, les chaînes d’information internationales et le pouvoir de contrôle de la vie politique et économique dans le monde » ; « si vous faites le bien, oh peuple juif, c’est pour vous et si vous faites le mal c’est contre vous ».

La cour d’appel, infirmant le jugement qui l’avait relaxé, condamnait cet imam à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Il formait un pourvoi en cassation.

Dans une période où les propos haineux, souvent justifiés de façon erronée par le fait religieux, se multiplient, cette décision donne l’occasion de faire quelques rappels concernant le délit de l’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881, mais également d’appréhender les discours de haine lié à un texte religieux.

L’article 24, alinéa 7, vise « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23 [notamment des discours proférés dans des lieux ou réunions publics ou tout moyen de communication au public par voie électronique], auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Le pourvoi visant notamment la liberté d’expression, nous rappellerons que la chambre criminelle s’est déjà prononcée en faveur de la conformité de cette infraction avec les articles 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (Crim. 13 mars 1989 P ; 13 nov. 2001, Légipresse 2002. III. 24). Il en est de même de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 10 juill. 2008, Soulas c/ France, n° 15948/03, AJDA 2008. 1929. Chron. J.-F. Flauss ; JCP 2008. I. 104. Chron. Sudre). Enfin, ces dispositions apparaissent claires et précises pour la Cour de cassation qui estime que la question de leur constitutionnalité n’est ni nouvelle ni sérieuse et qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une telle question (Crim. 16 avr. 2013, n° 13-90.008, D. 2014. 508, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2013. 337 et les obs. ; Dr. pénal 2013. Comm. 109, 1er arrêt, note M. Véron).

La détermination précise du groupe visé par l’incitation à la haine

La protection accordée par l’infraction de provocation à la haine raciale concerne uniquement les personnes ou les groupes visés en raison de leur ethnie, leur nationalité, leur race ou leur religion. Cela exclut notamment ceux qui sont critiqués en raison de leurs choix politiques ainsi que les propos qui ne concernent que certains membres du groupe tels que les représentants politiques d’un État ou une fraction d’un groupe (Crim. 3 avr. 2007, n° 07-80.807, D. 2007. 1422 ; ibid. 1817, chron. D. Caron et S. Ménotti ; ibid. 2008. 2757, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2007. 285, obs. G. Royer ).

Dans notre espèce, il était soutenu que le prévenu distinguait...

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