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Prud’hommes : une étude éclaire sur la disparité des décisions

Le 16 novembre 2017, l’institut des politiques publiques a publié une étude sur la disparité des décisions rendues par les conseils prud’homaux. Son origine serait multiple sans résulter nécessairement de l’appartenance syndicale de ses membres.

par Thomas Coustetle 23 novembre 2017

Les ordonnances « Macron » de septembre 2017 portent en mesure phare le plafonnement impératif des indemnités prud’homales. Pour ses partisans, la mesure permettrait de limiter l’incertitude autour de l’issue d’une procédure devant les prud’hommes, souvent présentée comme « un frein à l’embauche » (v. Dalloz actualité, 15 sept. 2017, art. T. Coustet isset(node/186493) ? node/186493 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186493 ; 6 nov. 2017, art. J. François isset(node/187426) ? node/187426 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187426). À tort ?

Si la question du rôle dissuasif du recours au juge tient une place récurrente dans le débat public, les études publiées sur le sujet tendent à montrer qu’il s’agit, en réalité, d’une idée reçue.

Déjà, en mars 2016, le centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), établissement public administratif de recherche (EPA) démontrait, à l’appui d’une comparaison des courbes du chômage et du taux de recours devant les prud’hommes de 1970 à 2016, que le recours à l’arbitrage judiciaire est non la cause mais la conséquence de la hausse du chômage. « Les pics de salariés sans emploi sont suivis après un certain délai – et non précédés – par des hausses du taux de recours », concluait le rapport.

En écho, l’institut des politiques publiques rend publique, en novembre 2017, une étude qui cherche, cette fois, à identifier les origines de la disparité des décisions devant le juge du travail. L’étude prend appui sur les données statistiques de la Chancellerie pour la période 2004-2014, et sur des récents travaux de recherche. Les conclusions sont étonnantes.

« Une forte variabilité de fonctionnement entre les juridictions »

L’analyse a porté sur les 210 juridictions prud’homales. Elle conclut à « une forte disparité entre certaines juridictions », selon plusieurs indicateurs : la durée du contentieux, le taux de conciliation, ou d’acceptation des demandes en cas de décision.

Par exemple, l’évolution moyenne de traitement est passée de dix mois en 2004 à treize mois en 2014, soit une augmentation de 30 % par rapport aux années 1989, 1990 et 1991. 

Sur les 210 juridictions passées au crible, la durée peut varier du tout au tout. Ainsi, le délai peut aller d’un mois à presque quarante, selon les juridictions et les années. Les 10 % des ressorts traitant les affaires le plus lentement ont des délais de traitement deux fois plus longs que les 10 % des ressorts les plus rapides.

Par ailleurs, si les délais de traitement s’allongent, la part des demandes liées à la rupture du contrat de travail a connu une croissance « rapide », observe l’étude. Elle concerne désormais 9 cas sur 10, et le licenciement pour faute est une contestation occupant 76 % des affaires en 2014. Le motif économique ne représente que 2 %. 

L’étude relève également que les demandes sont surtout formées par des demandeurs « de plus en plus âgés ». Ainsi, la part des demandeurs de plus de 50 ans est passée de 21 à 34 % entre 2004 et 2014.

L’analyse de ses statistiques révèle « une forte variabilité de fonctionnement entre les juridictions ». Le taux d’absence de recours en appel est le seul indicateur proche d’une juridiction à une autre, admettent les auteurs, contrairement aux autres variables (durée des affaires, taux de conciliation, etc.).

Dans le même temps, le taux de conciliation a poursuivi « une chute séculaire », passant de « 11 % en 2004 à 7 % en 2014, soit une diminution de 40 % ». Ces variations expliqueraient, selon l’étude, l’allongement du délai de traitement. Chaque étape obligatoire dans le processus de résolution rallonge « mécaniquement » la durée du traitement de l’affaire.

Pas d’allongement lié à la réforme de la carte judiciaire en 2008

La réforme de la carte judiciaire, engagée par le décret n° 2008-514 du 29 mai 2008, n’est pas à l’origine de l’allongement des délais de traitement « à l’échelle nationale », tempère l’étude.

Les auteurs expliquent ce phénomène par « le maintien des effectifs ». Si la « réforme Dati » a « induit une forte réallocation des cas et des moyens sur l’ensemble du territoire, elle n’a pas pour autant impacté le temps moyen des procédures », admettent-ils. 

« L’appartenance syndicale ne permet pas de justifier une différence dans les décisions rendues »

La composition des conseils influence-t-elle l’issue d’un litige (conciliation, décision, taux de départage) ? La note s’appuie sur les travaux d’un groupe de chercheurs en économie et droit à l’université Paris II. Elle rapporte que « l’appartenance syndicale ne permet pas de justifier une différence dans les décisions rendues. « La composition des conseils (affiliation à un syndicat réformiste ou non) n’influe pas sur la décision d’accepter ou de rejeter un cas. »

Contre toute attente, on apprend que « la forte présence de la CGT parmi les conseillers représentant les salariés ne semble pas augmenter le taux de décisions favorables aux salariés ». 

Pour autant, la composition n’est pas « totalement neutre », concède l’article, et admet que les taux de conciliation et de départage sont « significativement » plus élevés dans les conseils où la CGT et la CGT/FO sont majoritaires parmi les représentants salariés. 

En réalité, les disparités « sont tout autant liées à la différence des cas portés devant les différentes juridictions qu’à des variations dans la façon dont ces juridictions rendent la justice ». Si l’étude n’évacue pas le risque d’arbitraire, elle écarte « celui issu de la composition syndicale des différents conseils de prud’hommes ».