Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Publication par l’ARCOM du référentiel sur la vérification de l’âge pour accéder en ligne aux contenus pornographiques

Après avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a publié son référentiel sur la vérification de l’âge pour accéder aux contenus pornographiques en ligne, conformément à la loi SREN. L’objectif est de contrôler cet accès pour exclure les mineurs, au regard de leurs intérêts, tout en s’assurant de la protection des données personnelles et de la vie privée des internautes majeurs. Elle détermine donc les exigences techniques minimales que doivent respecter les diffuseurs de tels contenus dans un délai de trois mois, le choix de la solution restant libre, tout en rendant possible l’utilisation temporaire d’un système fondé sur la fourniture d’une carte bancaire pour contrôler l’âge.

L’accès des mineurs à la pornographie en ligne constitue un sujet brûlant, dont s’est emparé le législateur français ces dernières années au regard du nombre alarmant de fréquentations par les mineurs de sites pornographiques, augmentant au fur et à mesure des années (ARCOM, La fréquentation des sites « adultes » par les mineurs, mai 2023 ; Dr. fam. 2023. Alerte 84). Les conséquences sont en effet d’une gravité importante sur la santé et l’équilibre des enfants (Rapport de l’Académie de médecine, Accès à la pornographie chez l’enfant et l’adolescent : conséquences et recommandations, janv. 2023.). L’article 227-23 du code pénal imposait déjà aux hébergeurs de vérifier l’âge des internautes de ces sites, mais la plupart se contentent d’une simple déclaration de majorité : rien de plus facile pour un mineur que de cliquer sur le bouton « J’ai 18 ans » ou « Je suis majeur ». Le constat était donc celui d’une insuffisance du système actuel qui a permis une prise de conscience institutionnelle (M. Musson, Le droit de la personnalité du mineur à l’ère numérique, thèse Lyon 3, 2023, n° 224), malgré les difficultés rencontrées (L. Pécaut-Rivolier, Empêcher l’exposition des mineurs à des images pornographiques en ligne : mission impossible ?, Dr. fam. 2024. Dossier 12).

La loi du 30 juillet 2020 a modifié cette disposition de sorte qu’une telle vérification soit désormais insuffisante. À ce titre, plusieurs fournisseurs d’accès à internet ont été assignés par des associations de protection de l’enfance afin que le juge les contraigne à bloquer l’accès à ces sites, ce qu’a récemment ordonné la Cour d’appel de Paris (Paris, 17 oct. 2024, n° 23/17972, Dalloz actualité, 24 oct. 2024, obs. G. Thierry). Toutefois, plusieurs sites, parmi les plus fréquents, ont contesté la compatibilité de la loi française avec le droit de l’Union européenne à l’égard des sites établis dans un autre État membre de l’Union : le Conseil d’État a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne à ce propos (CE 6 mars 2024, n° 461193, Lebon ; AJ fam. 2024. 181, obs. L. Mary ; Légipresse 2024. 142 et les obs. ) au regard de l’interprétation faite par cette dernière, dans un arrêt récent, de la directive du 8 juin 2000 qui pose le principe du pays d’origine (CJUE 9 nov. 2023, aff. C-376/22, Dalloz actualité, 21 déc. 2023, obs. J. Sénéchal ; D. 2023. 2007 ; ibid. 2024. 19, point de vue T. Douville ; Dalloz IP/IT 2023. 613, obs. A.-L. Pasquet ; ibid. 2024. 237, obs. J. Charpenet ; Légipresse 2023. 653 et les obs. ; ibid. 2024. 257, obs. N. Mallet-Poujol ).

La loi SREN du 21 mai 2024 (M. Clément-Fontaine, La loi SREN et le droit du numérique européen, RLDI 2024. 20) a renforcé les missions de l’ARCOM en lui confiant le soin d’élaborer un « référentiel déterminant les exigences techniques minimales applicables aux systèmes de vérification de l’âge » (Loi SREN, art. 10). Le projet de référentiel, soumis à consultation publique et notifié à la Commission européenne, a été soumis à la CNIL qui a estimé que l’ARCOM avait suivi ses recommandations en matière de protection des données personnelles et de la vie privée des internautes : elle a donc émis un avis favorable, tout en émettant plusieurs recommandations (CNIL 26 sept. 2024, délib. n° 2024-067). Elle a également insisté sur le fait que ce type de contrôle devait être limité aux hypothèses spécifiques telles que l’accès à la pornographie en ligne mais ne devait pas être généralisé au regard des risques pour les droits et libertés des utilisateurs.

Le 9 octobre 2024, l’ARCOM a donc adopté et publié son référentiel qui tient compte des différents intérêts en présence. Les sites doivent s’y conformer dans un délai de trois mois, en privilégiant la solution la plus protectrice des mineurs. Ils peuvent librement choisir la technique à adopter, mais celle-ci doit être suffisamment fiable tout en ne méconnaissant pas le niveau d’exigence de protection de la vie privée indiqué. Consciente que la tâche est complexe, l’Autorité leur laisse à titre exceptionnel et temporaire la possibilité de vérifier l’âge de leurs internautes grâce à la fourniture d’une carte bancaire, sous certaines conditions. Elle souligne également que le référentiel a vocation à être actualisé selon l’évolution des techniques mais également au regard d’une éventuelle standardisation européenne ou internationale, comme la France s’y est engagée auprès de la Commission européenne (Notification 2023/0461/FR).

Difficultés relatives à la balance des intérêts en présence

L’intérêt supérieur de l’enfant

L’enjeu central et la justification du contrôle de l’accès à la pornographie en ligne résident dans la protection du mineur au regard de son intérêt supérieur qui doit, selon l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, constituer une considération primordiale pour toute décision le concernant. En effet, les risques liés au visionnage par des mineurs de contenus pornographiques ont déjà été maintes fois mis en lumière, depuis de nombreuses années (M. Arzano et C. Rozier, Alice au pays du porno. Ados : leurs nouveaux imaginaires sexuels, Ramsay, 2005 ; Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, Les adolescents et le porno : vers une « Génération Youporn » ? Étude sur la consommation de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :