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QPC relative à l’interdiction des enregistrements pendant les audiences juridictionnelles

L’article 38 ter de la loi de 1881 interdisant l’enregistrement du son et de l’image pendant les audiences constitue-t-il une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication ? La QPC a été transmise au Conseil constitutionnel.

par Amélie Blocmanle 9 octobre 2019

L’article 38 ter de la loi de 1881 prohibe tout enregistrement, fixation ou transmission de la parole ou de l’image après l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, ainsi que leur cession ou leur publication.

La directrice de publication de Paris Match a été condamnée à 2 000 € d’amende par la cour d’appel de Paris (Paris, 7 févr. 2019, n° 18/06521, Légipresse 2019. 134 ), sur le fondement de l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, pour avoir publié deux photographies prises en cours d’audience lors du procès d’Abdelkader Merah devant la cour d’assises de Paris. L’une représentait le djihadiste assis dans le box vitré avec, devant lui, ses avocats. La seconde, la mère des frères Merah qui était témoin au procès, dans la salle d’audience, ainsi que Fettah Malki, l’autre accusé dans le box. Les clichés avaient été publiés dans la revue papier, sur le site et le compte Twitter du journal.

À l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt, la directrice de Paris Match a présenté une question prioritaire de constitutionnalité. Elle considère que la captation de sons et d’images par des journalistes au cours d’un procès est susceptible d’être effectuée sans troubler la sérénité des débats, sans porter une atteinte excessive aux droits des parties, ni menacer l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. Dès lors, les dispositions de l’article 38 ter limitent-elles la liberté de communication garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de manière nécessaire, adaptée et proportionnée ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation relève que la disposition contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution, et que la question présente un caractère sérieux. Elle observe que les exceptions à la prohibition posée poursuivent des fins étrangères au droit à l’information du public. L’article 308 du code de procédure pénale autorise l’enregistrement des débats devant la cour d’assises au seul bénéfice de cette juridiction. Les articles L. 221-1 et suivants du code du patrimoine les autorise en vue de la constitution des archives audiovisuelles de la justice. La Cour de cassation avait d’ailleurs approuvé la décision du Premier président de la cour d’appel de Paris ayant refusé la demande d’enregistrement audiovisuel et sonore des audiences du procès d’Abdelkader Merah et de Fettah Malki. L’extrême gravité des faits reprochés aux accusés et le contexte dans lequel s’étaient déroulés les crimes commis « ne présentaient pas un intérêt qui justifierait que soit procédé à un enregistrement des débats de nature à enrichir les archives historiques de la justice » (Crim. 29 sept. 2017, n° 17-85.774, AJ pénal 2017. 498, obs. D. Aubert ; JAC 2017, n° 51, p. 6, obs. P. Noual ).

La chambre criminelle décide donc de transmettre au Conseil constitutionnel la QPC présentée. Elle rappelle que l’article 38 ter de la loi de 1881 a initialement été institué en vue de préserver la sérénité des débats devant les juridictions, protéger les droits des parties au procès et garantir l’autorité et l’impartialité de la justice. Dès lors, elle invite les Sages à dire si cette disposition n’est pas devenue, au regard de l’évolution des techniques de communication, susceptible de constituer une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication.

Le Conseil constitutionnel a trois mois pour se prononcer.