Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

QPC sur les box vitrés : pas de renvoi au Conseil constitutionnel

La chambre criminelle ne renvoie pas au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives à la conformité du recours aux box vitrés aux droits et libertés constitutionnellement garantis. 

par Dorothée Goetzle 7 décembre 2018

À la suite d’une action engagée par l’ordre des avocats du barreau de Versailles, le 16 février 2018, le Conseil d’État était amené à se prononcer sur la compétence de la juridiction administrative pour ordonner le retrait d’un box sécurisé dans une salle d’audience. À cette occasion, le Conseil d’État avait considéré que l’installation dans une salle d’audience d’une juridiction pénale d’un dispositif sécurisé destiné à accueillir, lors des audiences, des prévenus ou des accusés dont la comparution peut présenter des dangers particuliers n’est pas détachable des modalités de déroulement de l’audience, dont il appartient au président de la juridiction d’assurer la police. Il en résulte que le contentieux relatif à une telle installation concerne le fonctionnement de l’autorité judiciaire (CE 16 févr. 2018, n° 417944, Ordre des avocats au barreau de Versailles, AJDA 2018. 370 ; D. 2018. 421 ; ibid. 1611, obs. J. Pradel ). C’est donc en toute logique au travers du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité que le débat autour des box vitrés dans les salles d’audience refait son apparition sur la scène juridique.

En l’espèce, un individu, déclaré coupable des chefs de séquestration arbitraire d’otage pour faciliter un crime ou un délit, vol et escroquerie en récidive, a comparu enfermé dans un box vitré muni d’une fermeture horizontale en partie haute par un grillage devant la cour d’assises. La disposition au cœur de cette QPC est évidemment l’article 318 du code de procédure pénale qui pose le principe selon lequel l’accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur ce fondement qu’il y a plus de trente ans, la chambre criminelle a déjà pu considérer que le dispositif de sécurité, consistant en un enclos de verre à l’intérieur duquel sont placés les accusés durant leur comparution à l’audience, est licite dès lors que ce dispositif, dans lequel les accusés sont libres de leurs mouvements, comporte des aménagements permettant à chacun d’eux de communiquer librement et secrètement avec son conseil (Crim. 15 mai 1985, n° 84-95.752).

Plus précisément, tout l’enjeu de cette QPC est de savoir si l’article 318 du code de procédure pénale peut valablement servir de fondement à la comparution de l’accusé dans un box vitré tout en n’encadrant pas les conditions d’utilisation de ces box ? Se pose donc la question de savoir si cette situation est conforme aux articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. 

En s’abritant derrière l’article 309 du code de procédure pénale, la chambre criminelle décide de ne pas renvoyer ces questions au Conseil constitutionnel. Selon ce texte, qui était déjà invoqué en filigrane par le Conseil d’État pour justifier l’incompétence de la juridiction administrative, « le président a la police de l’audience et la direction des débats. Il rejette tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les prolonger sans donner lieu d’espérer plus de certitude dans les résultats ». Précieuse, cette disposition a déjà permis à l’assemblée plénière de considérer que rien ne s’oppose à ce que soient évoqués au cours des débats des faits non visés aux poursuites, dès lors que les parties estiment que cet examen peut être utile à la défense de leurs intérêts (Cass., ass. plén., 11 juin 2004, n° 98-82.323 P, D. 2004. 2010, et les obs. ; ibid. 2005. 684, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2004. 325, obs. P. Remillieux ; ibid. 327, obs. P. Remillieux ). Selon la même logique, les hauts magistrats en déduisent en l’espèce que le président de la cour d’assises est garant de l’équilibre entre, d’une part, « la sécurité des différents participants au procès et, d’autre part, le respect des droits de la défense, les modalités pratiques de comparution de l’accusé devant la juridiction devant permettre à ce dernier, dans un espace digne et adapté, ou à l’extérieur de celui-ci, de participer de manière effective aux débats et de s’entretenir confidentiellement avec ses avocats ». De plus, en s’appuyant sur l’article 304 du code de procédure pénale, la chambre criminelle insiste sur le rappel de la présomption d’innocence dans le serment que chaque juré est appelé à prêter, dès le début de l’audience.

En d’autres termes, pour ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité, la chambre criminelle s’appuie sur une des caractéristiques bien connues de la procédure pénale, à savoir son tiraillement intrinsèque entre deux objectifs antinomiques : la liberté et la sécurité. Ce funambulisme caractéristique de notre matière était déjà mis en avant par Faustin Hélie, qui soulignait fort bien que la justice pénale doit rechercher un équilibre « entre deux intérêts également puissants, également sacrés, qui veulent à la fois être protégés, l’intérêt général de la société qui veut la juste et prompte répression des délits, l’intérêt des accusés qui est lui aussi un intérêt social et qui exige une complète garantie des droits de la collectivité et de la défense (F. Hélie, Traité de l’instruction criminelle ou théorie du Code d’instruction criminelle, t. 1, p. 4).

Toutefois, une autre lecture du texte n’aurait-elle pas été possible ? En effet, à l’article 318 du code de procédure pénale, le législateur a fait le choix d’ériger la comparution libre en principe. Dès lors, toute autre forme de comparution doit nécessairement demeurer exceptionnelle. Pour assurer la sécurité et la sérénité des débats judiciaires, le législateur a d’ailleurs prévu plusieurs exceptions à la comparution libre, notamment aux articles 306, 321 ou encore 803 du code de procédure pénale. Or aucune disposition de ce type ne concerne l’utilisation des box vitrés, pourtant constitutive d’une exception au principe posé par l’article 318 du code de procédure pénale. C’est d’ailleurs également selon cette même logique visant à ériger la comparution libre en principe que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’utilisation des box vitrés est réservée « aux audiences placées sous haute sécurité » (CEDH 4 oct. 2016, Yaroslav Belousov c. Russie, nos 2653/13 et 60980/14, § 124 ; 17 avr. 2018, AJ pénal 2018. 372, obs. S. Lavric , v. aussi M. Léna, Faut-il boxer les box ?, AJ pénal 2017. 513 ; TGI Paris, 12 févr. 2018, n° 17/15785, Dalloz actualité, 12 févr. 2018, obs. T. Coustet isset(node/189152) ? node/189152 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>189152 ; 13 avr. 2018, obs. M. Babonneau isset(node/190197) ? node/190197 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190197 ; 24 oct. 2017, obs. T. Coustet isset(node/187237) ? node/187237 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187237 ; 20 déc. 2017, obs. J. Mucchielli isset(node/188273) ? node/188273 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188273). 

 

 

La rédaction remercie Me Laurent Goldman, avocat aux conseils et initiateur de la QPC, de nous avoir transmis la décision.