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QPC sur l’article 327 du code civil : bis (ter, …) repetita

La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 327 du code civil relatif à l’action en recherche de paternité hors mariage. Pour la Haute juridiction, la question posée ne présente pas de caractère sérieux.

par Laurence Gareil-Sutterle 7 janvier 2020

Deux semaines après avoir transmis au Conseil constitutionnel une QPC formulée par un homme qui revendiquait sa paternité à tout prix (Civ. 1re, 20 nov. 2019, n° 19-15.921, D. 2019. 2300 ; AJ fam. 2019. 615, obs. A. Dionisi-Peyrusse ), la Cour de cassation refuse de renvoyer celle d’un homme qui, au contraire, réclame le droit… de ne surtout pas l’assumer !

L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 4 décembre 2019 intervient en matière d’action en recherche de paternité, action en justice qui vise l’établissement forcé du lien de filiation d’un père biologique à l’égard de son enfant. Or certains géniteurs n’arrivent pas à s’y résoudre… C’est le cas de M. G., assigné en recherche de paternité par Mme T. au nom de son enfant né quelques semaines plus tôt. M. G., dont la filiation à l’égard de l’enfant a été prononcée par la cour d’appel, a formé un pourvoi en cassation à l’occasion duquel il a formulé la QPC sur laquelle se prononce l’arrêt sous examen.

Rappelons que le mécanisme de la QPC est désormais connu. Pour que la Cour de cassation décide de saisir le Conseil constitutionnel de la question transmise, il faut que la disposition législative critiquée soit applicable au litige ou à la procédure en cours, ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et enfin que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. Comme le relève la Cour de cassation, en l’espèce, les deux premières conditions étaient indubitablement réunies. C’est sur le dernier critère que les juges fondent leur refus. Après avoir affirmé que la question n’était pas nouvelle, ils ont conclu à l’absence de sérieux de celle-ci.

Avant de revenir sur les arguments retenus pour écarter le caractère sérieux, précisons immédiatement que la question n’était pas nouvelle, non seulement au sens auquel ce critère s’entend pour la transmission d’une QPC (question ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application) mais encore parce qu’elle avait déjà été posée à la Cour de cassation ! En effet, la Haute juridiction a refusé par trois fois au moins de transmettre une QPC relative à cet article (Civ. 1re, 28 mars 2013, n° 13-40.001, D. 2013. 1436, obs. F. Granet-Lambrechts ; RTD civ. 2013. 361, obs. J. Hauser ; JPC 2013. Doct. 819, obs. Y. Favier ; RJPF-2013-6/23, note M.-C. Le Boursicot ; Civ. 1re, 11 mai 2016, n° 15-18.312, D. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts ; Gaz. Pal. 2016, p.70, note M. Courmont-Jamet ; Civ. 1re, 9 nov. 2016, n° 15-20.547, D. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts ; RJPF-2017-2/31, obs. T. Garé). Cet élément de contexte précisé, revenons sur les motifs avancés pour ce nouveau refus des juges.

La QPC examinée était ainsi formulée : « L’article 327 du code civil instituant l’action en recherche judiciaire de paternité hors mariage, en ce qu’il empêche tout homme géniteur de se soustraire à l’établissement d’une filiation non désirée, est-il contraire aux principes d’égalité et de liberté constitutionnellement garantis ? ». Comme nous allons le voir, la Cour de cassation dénie tout caractère sérieux à cette question tant au regard du principe d’égalité qu’au regard de celui de liberté.

En ce qui concerne le principe d’égalité, il est analysé par la Cour de cassation sous deux angles différents : le premier est lié à l’égalité hommes/femmes, le second a trait à l’égalité entre tous les enfants qu’ils soient nés en mariage ou non (v. sur ce double aspect, déjà : Civ. 1re, 2 déc. 2015, préc. ; 9 nov. 2016, préc.).

Pour ce qui est de l’égalité hommes/femmes, l’argument reposait sur la différence de traitement entre la femme enceinte, qui a la possibilité d’accoucher sous X, et l’homme… qui ne le peut pas ! Le débat est ancien. Face au fait de la naissance d’un enfant hors mariage, le droit a varié dans sa façon de forcer ses géniteurs à établir leur lien de filiation (pour le détail de cette évolution, M.-C. Le Boursicot, Tant qu’il y aura des hommes… et des femmes, il y aura des pères et des mères, RJPF-2013-6/23 ; v. égal., F. Granet-Lambrechts in P. Murat (dir.), Droit de la famille, Dalloz Action, 2016, spéc. § 214.70). Pendant longtemps, c’est la mère biologique qui n’a pu échapper à l’établissement de son lien. Outre le fait que la grossesse et...

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