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Qualité pour agir d’un créancier non professionnel en vente forcée de la résidence principale du débiteur en liquidation judiciaire

Le créancier titulaire d’une sûreté réelle, à qui la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable, peut faire procéder à sa vente sur saisie. Si la qualité pour agir du créancier non professionnel est ici reconnue, c’est qu’il ne s’agit pas d’une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent prohibée par l’article L. 622-21 du code de commerce.

À tort ou à raison, la Cour de cassation exclut, du domaine de la procédure collective, l’immeuble faisant l’objet d’une déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI), conformément aux dispositions de l’article L. 526-1 du code du commerce, aux motifs qu’il ne figure pas dans le « gage commun des créanciers » (Com. 28 juin 2011, n° 10-15.482 P, Dalloz actualité, 1er juill. 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 2485, point de vue V. Legrand ; ibid. 2012. 1509, obs. A. Leborgne ; ibid. 1573, obs. P. Crocq ; ibid. 2196, obs. F.-X. Lucas et P.-M. Le Corre ; ibid. 2013. 318, point de vue P. Hoonakker ; Rev. sociétés 2011. 526, obs. P. Roussel Galle ; RDP 2011, n° 10, p. 234, obs. F. Vinckel ).

En somme, la même conclusion vaut pour l’immeuble constituant la résidence principale de l’entrepreneur qui est légalement insaisissable depuis le 8 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. La Cour de cassation considère que ce bien aussi ne figure pas dans le gage commun des créanciers (Com. 13 avr. 2022, n° 20-23.165 FS-B, Dalloz actualité, 12 mai 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 790 ; ibid. 1675, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; AJ fam. 2022. 391, obs. J. Casey ; Rev. sociétés 2022. 383, obs. F. Reille ).

Sans en être véritablement convaincu, il faut admettre qu’une certaine logique anime les arrêts susmentionnés.

Du reste, l’insaisissabilité légale de la résidence principale comme le mécanisme de la déclaration notariée créent deux catégories de créanciers : ceux n’ont plus le droit de saisir l’immeuble et ceux qui, au contraire, conservent un tel droit.

Par exemple, les créanciers professionnels dont les droits sont nés postérieurement au 8 août 2015 – date d’entrée en vigueur de la loi « Macron » – ou après la publication régulière d’une DNI, font partie de la première catégorie. À ces créanciers s’opposent ceux de la seconde catégorie, c’est-à-dire les créanciers professionnels dont les droits sont nés antérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi ou de la publication de la DNI et les créanciers dont les droits ne sont pas liés à l’activité professionnelle du débiteur, et ce, peu important la date de naissance de leur créance.

Partant, le mandataire judiciaire ou le liquidateur ne pouvant qu’agir en défense de l’intérêt collectif des créanciers (C. com., art. L. 622-20 et L. 641-4), la Haute juridiction considère que la présence de deux catégories de créanciers n’ayant pas les mêmes droits sur le bien dont la réalisation est envisagée « bloque » l’action du mandataire de justice, car cette dernière porterait alors sur un bien en dehors du périmètre du « gage commun ».

Le raisonnement est désormais bien connu et la Cour de cassation en a même tiré certaines conséquences à propos des droits des créanciers auxquels l’insaisissabilité du bien est inopposable.

D’une part, le créancier à qui la DNI est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur le bien objet de la déclaration indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble (Com. 13 sept. 2017, n° 16-10.206 B, Dalloz actualité, 15 sept. 2017, obs. A. Lienhard ; D. 2018. 1223, obs. A. Leborgne ; ibid. 1829, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Rev. sociétés 2017. 734, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2017. 994, obs. A. Martin-Serf ).

D’autre part, ce même créancier peut solliciter la vente forcée de l’immeuble, en dépit de la règle de la non-reprise des poursuites attachées à la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire (Com. 13 déc. 2023, n° 22-19.749 FS-B+R, Dalloz actualité, 21 déc. 2023, obs. B. Ferrari ; D. 2023. 2236 ; ibid. 2024. 1691, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 1877, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; Rev. sociétés 2024. 208, obs. F. Reille ; RCJPP 2024, n° 02, p. 52, chron. P. Roussel Galle et F. Reille ).

En l’occurrence, c’est précisément le domaine des droits conservés par le créancier à qui l’insaisissabilité est inopposable qui est une nouvelle fois rappelé par la Cour de cassation au sein de l’arrêt sous commentaire.

L’affaire

En l’espèce, avant l’ouverture de la liquidation judiciaire d’un débiteur, une banque avait fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente de sa résidence principale sur laquelle le créancier détenait une hypothèque.

Un contentieux s’est noué autour de la qualité pour agir du créancier et l’affaire a été portée...

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