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Quand le droit des transports renseigne sur les critères de la force majeure du droit commun

Dans un arrêt rendu le 5 juillet 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur les critères de la force majeure afin d’appliquer l’article L. 133-1 du code de commerce sur la responsabilité du voiturier quant à la perte des choses à transporter.

1. On connaît l’importance de la force majeure en droit positif, de sorte que les arrêts rendus par la Cour de cassation s’intéressant à la question sont scrutés avec attention (v. par ex. en 2020 sur le refus de la force majeure par le créancier, Civ. 1re, 25 nov. 2020, n° 19-21.060 FS-P+B+I, Dalloz actualité, 8 déc. 2020, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 114 , note S. Tisseyre ; ibid. 89, point de vue C. Grimaldi ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 483, chron. X. Serrier, S. Robin-Raschel, S. Vitse, V. Le Gall, V. Champ, C. Dazzan, E. Buat-Ménard et C. Azar ; AJDI 2021. 118 , obs. D. Houtcieff ; AJ contrat 2020. 554, obs. M. Mekki ; Rev. prat. rec. 2021. 7, chron. O. Cousin, F. Kieffer et R. Laher ; RTD civ. 2021. 126, obs. H. Barbier ; ibid. 152, obs. P. Jourdain ; en 2023 sur la résolution et sur son lien avec cette notion, Com. 18 janv. 2023, n° 21-16.812 F-B, Dalloz actualité, 24 janv. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 587 , note M. Garnier-Zaffagnini ; RTD civ. 2023. 99, obs. H. Barbier ). La décision que nous étudions aujourd’hui n’est pourtant pas issue du droit commun puisqu’elle s’intéresse au droit du transport routier et à la règle de l’article L. 133-1 du code de commerce, lequel précise que « le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure » (nous soulignons). C’est précisément quant à la qualification de la force majeure évoquée par cet article que l’arrêt du 5 juillet 2023 tire son principal intérêt.

À l’origine du pourvoi, on retrouve l’acheminement d’un lot de produits laitiers à destination du Val-de-Marne. Pendant le transport, la semi-remorque qui contient lesdits produits a été arrêtée par des agriculteurs qui s’étaient positionnés sur le chemin parcouru par le transporteur afin de manifester. Le chauffeur du véhicule a dû descendre de son camion tandis que des manifestants ont déchargé son contenu pour distribuer celui-ci aux occupants des véhicules circulant à proximité. Le 3 février 2017, un contentieux se noue en réparation du préjudice subi par la société ayant sollicité le transport des produits laitiers. La cour d’appel saisie du litige considère la situation comme un évènement imprévisible et irrésistible, qualifiant ainsi de force majeure la série de faits ayant conduit à la distribution des produits à des tiers. Le transporteur est, par conséquent, exonéré de sa responsabilité au sens de l’article L. 133-1 du code de commerce. La société demanderesse au pourvoi reproche à cet arrêt un défaut de base légale. Elle estime, en effet, que les motifs choisis par les juges du fond ne suffisent pas à caractériser la force majeure tant au regard de l’article L. 133-1 du code de commerce que sur le fondement des dispositions du code civil antérieures à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 réformant le droit des obligations.

L’arrêt du 5 juillet 2023 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation aboutit au rejet du pourvoi. Nous allons étudier pourquoi.

Une utilisation du droit commun dans un contentieux de droit spécial

À titre préliminaire,...

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