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Quand le principe ne bis in idem succombe en présence d’un classement sans suite

Au regard de sa jurisprudence bien établie en la matière, la Cour de justice de l’Union européenne considère qu’une décision de classement sans suite prise par le parquet à la suite d’une appréciation « légère » des faits ne peut pas être considérée comme un acquittement définitif au sens de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. Dès lors, le principe ne bis in idem ne trouvait pas à s’appliquer. 

Régulièrement, la Cour de justice vérifie, à la suite de questions préjudicielles, l’applicabilité du principe ne bis in idem. En témoigne son arrêt rendu le 25 janvier 2024.

En l’espèce, la présidente d’une société coopérative a été démise de ses fonctions, le 12 février 2014, après l’adoption d’une décision par l’assemblée générale. Elle a alors formé un recours en annulation, lequel a été accueilli. À son retour, elle a demandé à des employés, à l’origine de la décision, de payer le montant des honoraires de son avocat intervenu durant la procédure pour la défendre, sous peine de résilier leurs contrats de travail. Sa demande n’ayant pas été satisfaite, elle a mis à exécution sa menace. En 2015, deux plaintes pénales ont été déposées respectivement devant la police roumaine pour des faits de corruption passive et la Direction nationale anticorruption pour des faits de chantage (§§ 15 à 21).

À la suite de cette seconde plainte, une ordonnance de classement sans suite a été adoptée par le procureur en charge de l’affaire. Même si les plaignants n’ont pas contesté la décision, le procureur en chef a infirmé l’ordonnance de classement sans suite et a exigé la « réouverture des poursuites pénales » (§ 26). L’emploi de cette expression semble d’ailleurs malencontreux dès lors qu’un classement sans suite avait été décidé et qu’aucune poursuite n’avait donc pu être à ce stade déclenchée. Il était donc plutôt question de rouvrir l’enquête. Selon l’autorité de poursuite, lorsque les mêmes faits font l’objet d’une autre procédure pénale avancée pour l’infraction de corruption passive (§ 28), la bonne administration de la justice impose de joindre les deux affaires pour les instruire ensemble. Pour autant, par une ordonnance du 21 novembre 2016, la chambre préliminaire du tribunal de première instance saisie d’une demande de confirmation de cette réouverture, a rejeté celle-ci au motif que l’ordonnance de classement sans suite en cause serait devenue définitive (§§ 22 à 27).

Parallèlement, l’autre procédure visant les mêmes faits sous la qualification de corruption passive a quant à elle entraîné le déclenchement des poursuites par le procureur et la juridiction de jugement a été saisie. Cette dernière a rejeté l’argumentation de la prévenue, laquelle invoquait la violation du principe ne bis in idem, entraînant corrélativement la clôture des deux procédures. Plusieurs sources du droit le consacrent et notamment l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne disposant que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».

L’affaire aurait, en effet, été classée sans suite et donc déjà définitivement jugée, ce qu’a refusé de reconnaître la juridiction. Cette dernière a donc condamné la présidente de la société. Elle a, néanmoins, interjeté appel et ses prétentions ont cette fois-ci été accueillies. Le parquet a alors formé un pourvoi en cassation. La Haute juridiction a finalement cassé l’arrêt rendu par les juges du fond, le 21 septembre 2021, au motif que le principe ne bis in idem était inapplicable. L’affaire a été renvoyée devant une Cour d’appel afin d’être réexaminée (§§ 28 à 35).

Cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice...

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