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Quand un courriel du président ne sauve pas le jugement de la nullité pour violation de l’imparité

Aux termes de l’article 459 du code de procédure civile, l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. Est annulé l’arrêt qui mentionne que la cour d’appel était composée, lors des débats, de quatre magistrats qui en ont délibéré, dès lors que la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l’arrêt attaqué à l’avocat du défendeur au pourvoi n’est pas de nature à établir le respect de la règle de l’imparité.

Pour être un acte éminent, le jugement n’en est pas moins un acte juridique. Comme tel, il est exposé à des causes de nullité qui sanctionnent les irrégularités affectant son élaboration. Toutefois, en tant qu’il est l’œuvre d’un juge et se voit doter d’une autorité de chose jugée, l’annulation du jugement pour de telles irrégularités obéit à un régime spécial, non seulement par rapport aux actes juridiques privés, mais aussi par rapport aux autres actes de procédure. Ce n’est que sous certaines réserves et conditions que les parties peuvent obtenir le prononcé de la nullité du jugement, ce dont témoigne l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 23 juin 2022.

En l’espèce, une cour d’appel a rendu un arrêt qui mentionne que quatre juges ont constitué la juridiction lors des débats et du délibéré. Cette situation n’est pas conforme à la règle qui veut que les juridictions soient composées de juges en nombre impair. Comme la nullité d’un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours (C. pr. civ., art. 460), un pourvoi en cassation est formé par la partie perdante. La Cour de cassation prononce l’annulation de l’arrêt (et non une cassation) précisant que « la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l’arrêt à l’avocat du défendeur au pourvoi n’est pas de nature à établir que les prescriptions légales ont été, en fait, observées ».

L’arrêt donne l’occasion de revenir sur la cause de nullité, la violation de la règle d’imparité, et sur les conditions de prononcé de la nullité, la Cour ne se contentant pas du courriel du président pour sauver le jugement.

La cause de nullité : l’imparité violée

Les causes de nullité des jugements (le terme est pris dans son sens notionnel et inclut les arrêts) sont définies strictement.

L’article 430 du code de procédure civile prévoit au stade des débats que « la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire ». Par ailleurs, une liste, non limitative (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, n° 1161), de causes de nullité figure à l’article 458 concernant l’élaboration du jugement. Cet article renvoie notamment à l’article 447 qui prévoit qu’« il appartient aux juges devant lesquels l’affaire a été débattue d’en délibérer. Ils doivent être en nombre au moins égal à celui que prescrivent les règles relatives à l’organisation judiciaire ».

L’article L. 121-2 du code de l’organisation judiciaire prévoit l’imparité comme règle commune aux juridictions judiciaires. La règle fut formulée par la loi du...

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