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Quand une banque rompt brutalement la relation commerciale établie avec ses courtiers apporteurs d’affaires

Une banque peut nouer une relation commerciale établie via des contrats d’apport d’affaires conclus avec des courtiers. Le chiffre d’affaires réalisé peut caractériser la stabilité de la relation et conduire la victime à croire en sa poursuite. Un faible flux d’affaires ne fait pas nécessairement obstacle à la reconnaissance d’une relation commerciale établie.

Trois arrêts du même jour ont été rendus sur une thématique intéressante : la rupture brutale d’une relation commerciale établie entre une banque et son apporteur d’affaires. Par convention, ces trois arrêts seront désignés par le nom des demandeurs : EIC (Com. 14 mai 2025, n° 24-10.834), R2E (Com. 14 mai 2025, n° 24-10.835) et MJNS (Com. 14 mai 2025, n° 24-10.836).

La configuration est identique. Le Crédit Agricole conclut un contrat d’apport d’affaires avec trois sociétés. Ces sociétés sont toutes courtiers en opérations de banque et en services de paiement ainsi que franchisées des réseaux « Vousfinancer » ou « In&fi ». Le même jour, le 30 octobre 2019, le Crédit Agricole dénonce ces contrats d’apport d’affaires avec un préavis d’un mois.

Les trois apporteurs et leur franchiseur reprochent à la banque une rupture brutale de la relation commerciale établie (C. com., art. L. 442-1, II). Les apporteurs sont indemnisés en appel, respectivement à hauteur de 1 584, 6 436 et 10 355 €. Les franchiseurs sont, quant à eux, déboutés (Paris, pôle 5 - ch. 4, 27 sept. 2023, n° 22/10517, n° 22/10371 et n° 22/10859). La banque porte toutes ces affaires devant la Cour de cassation. Les trois pourvois sont rejetés dans des termes identiques. Plusieurs enseignements, essentiellement relatifs à la caractérisation d’une relation commerciale établie, peuvent être retirés.

L’absence de mandat et le démarchage d’autres banques ne font pas obstacle à la reconnaissance d’une relation commerciale établie

Sans surprise, les pourvois contestaient l’existence d’une relation commerciale établie entre la banque et les apporteurs d’affaires. L’argument commun aux trois affaires portait sur l’absence de mandat des apporteurs (qui n’avaient donc pas pouvoir d’engager la banque) et sur la liberté des apporteurs de démarcher, pour leurs propres clients, d’autres banques afin de leur proposer le crédit le plus intéressant. La Cour rejette l’argument : « ni l’absence de mandat entre [la banque] et [l’apporteur] ni la circonstance que [ce dernier], en sa qualité de courtier, démarche d’autres banques dans le cadre de la recherche de la meilleure offre de prêt […] ne permettent de déduire qu’aucune relation commerciale établie n’aurait été établie » (arrêt EIC, § 5 ; arrêt R2E, § 5 ; arrêt MJNS, § 5).

La solution est convaincante. D’abord, d’un point vue théorique, nier l’existence d’un mandat dans l’apport d’affaires ou le courtage se discute (N. Dissaux et R. Loir, Droit de la distribution, 2e éd., LGDJ, coll. « Précis Domat », 2024, §§ 1059 s.). Ensuite, l’arrêt Toulao a certes admis qu’une société titulaire d’un mandat d’intermédiaire en opération de banque relève du dispositif de la rupture brutale (Com. 6 avr. 2022, n° 20-18.126, CCC 2022. Chron. 2, obs. C.-A. Maetz ; RDBF 2022. Chron. 2, obs. J. Lasserre-Capdeville). Mais rien ne permet d’en déduire que l’absence de mandat écarte nécessairement la qualification de relation commerciale établie. À l’égard de la victime, le dispositif est accueillant...

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