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Quelle sanction en cas d’absence de renvoi des conclusions d’appel aux pièces produites ?

Sauf à priver une partie du droit à l’accès à un tribunal consacré par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’absence de renvoi des conclusions aux pièces produites, qui ne fait l’objet d’aucune sanction, ne dispense pas la cour d’appel de son obligation d’examiner les pièces régulièrement versées aux débats et clairement identifiées dans les écritures prises au soutien des prétentions.

Voilà que surgit à nouveau la problématique de la prétention sous l’angle cette fois du visa des pièces dans les écritures des parties. Dans leurs conclusions, les avocats ont pour habitude de viser les pièces au soutien de leur argumentation ou de leurs prétentions, par l’emploi d’un numéro qui correspond à celui des pièces listées dans leur bordereau de pièces. Mais avec quelle conséquence en cas d’omission ? Une partie avait relevé appel d’un jugement du tribunal judiciaire qui avait été saisi d’une demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision.

Pour débouter l’appelant de diverses demandes au titre d’une contribution à un prêt immobilier, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait estimé, par arrêt du 23 février 2022, que « dans les douze pages que comptent les conclusions de M. [W], appelant, aucun renvoi n’est fait aux 95 pièces figurant dans son dernier bordereau de pièces. La cour n’est donc pas mise en mesure de vérifier les calculs de l’appelant et les preuves des règlements qu’il prétend avoir effectués seul ». Le demandeur au pourvoi arguait de la double violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne droits de l’homme et 954 du code de procédure civile, et c’est au visa de ces deux articles que la deuxième chambre civile livre sa solution :

« 7. Selon le second de ces textes, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
8. Pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que dans les douze pages que comptent les conclusions de M. [W], aucun renvoi n’est fait aux quatre-vingt-quinze pièces figurant dans son dernier bordereau et qu’ainsi la cour d’appel n’est pas mise en mesure de vérifier les calculs de l’appelant et les preuves des règlements qu’il prétend avoir effectués.
9. En statuant ainsi, alors que, sauf à priver l’appelant du droit à l’accès à un tribunal consacré par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, cette absence de renvoi par les conclusions aux pièces produites, qui n’est assortie d’aucune sanction, ne la dispensait pas de son obligation d’examiner les pièces régulièrement versées aux débats par M. [W] et clairement identifiées dans les conclusions prises au soutien de ses prétentions, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Des pièces sans prétention

Si la solution de la Cour de cassation apparaît sans détour, l’examen de la motivation de l’arrêt de la Cour d’Aix-en-Provence mérite le détour. Les motifs de la décision débutaient par un rappel, systématique dans les décisions de cette chambre de la cour d’appel, de l’alinéa 3 de l’article 954 : « en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas...

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