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Quelques précisions utiles sur les régimes du harcèlement moral et de la modification du contrat de travail du salarié protégé

Peut-être plus que les autres, le salarié titulaire d’un mandat de représentant de personnel s’expose aux représailles de l’employeur, lesquelles peuvent prendre différentes formes, allant du harcèlement moral à la modification de ses conditions ou de son contrat de travail. L’arrêt du 15 février 2023 est l’occasion pour la Cour de cassation de revenir sur ces deux régimes en offrant quelques précisions utiles.

Les faits de l’espèce sont révélateurs de ces situations dans lesquelles les relations entre le salarié et l’employeur peuvent s’envenimer. Employé dans le secteur de la propreté en qualité d’agent qualifié, son contrat de travail comprenait, outre un salaire mensuel, une prime mensuelle de forfait vitrerie. Par la suite, il a été déclaré apte à ses fonctions de laveur de vitres par le médecin du travail, mais limitées à une hauteur maximale de trois mètres, ce qui avait justifié un reclassement sur un poste d’ouvrier nettoyeur, avec maintien de sa prime mensuelle. L’année suivante, en 2011, l’employeur lui notifiait une mutation disciplinaire. Le 10 juin 2014, le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de rappels de primes. Pendant la procédure, l’employeur le convoque à un entretien préalable au licenciement tout en le mettant à pied à titre conservatoire. En raison de son mandat de délégué du personnel, l’employeur avait dû solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail, laquelle fut refusée par ce dernier. Le salarié avait alors été invité à reprendre son poste et les faits qui avaient mené à la demande de licenciement avaient justifié un avertissement.

Le bureau de conciliation a condamné l’employeur à verser au salarié une provision à valoir sur les primes de forfait vitrerie, dont l’ordonnance fut annulée par la cour d’appel de Versailles par un arrêt du 21 juin 2018. La cour d’appel n’était pas saisie de cette seule demande, mais avait été invitée à se prononcer sur une demande de versement de dommages-intérêts au titre d’un harcèlement moral d’une part et d’une mutation disciplinaire d’autre part. Ces demandes avaient été rejetées. Quant au harcèlement moral, les juges du fond ont considéré que le salarié n’apportait la preuve d’aucun préjudice. Quant à la mutation disciplinaire, pour rejeter la nullité soulevée, les juges du fond ont relevé que le salarié avait exécuté cette décision de mutation en rejoignant son nouveau lieu de travail et qu’il ne démontrait pas en avoir subi un quelconque préjudice.

Cette motivation est doublement invalidée par la chambre sociale de la Cour de cassation. Amenée à se prononcer tant sur le régime probatoire en matière de harcèlement moral que sur la modification du contrat de travail du salarié protégé, la chambre sociale saisit ici l’occasion de rappeler quelques principes élémentaires tout en nous fournissant de précieuses indications.

L’adaptation primordiale du régime probatoire en matière de harcèlement moral

Le principe

Suivant sans surprise le moyen du pourvoi, la Cour de cassation réaffirme la prééminence du régime probatoire spécifique en matière de harcèlement moral (v. not. L. Gamet, « Observations sur la preuve du...

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