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Quelques rappels à propos du BNC et de la déductibilité des dépenses

La cour d’appel administrative de Paris a soutenu la position du tribunal administratif et de l’administration fiscale sur le rejet de la déductibilité fiscale de certaines dépenses d’un avocat imposé à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC).

par Antoine Rigaudle 30 novembre 2018

Le requérant exerçait sa profession d’avocat jusqu’au 12 octobre 2011, date de sa démission effective au sein d’un cabinet, puis, à compter du 13 octobre 2011, au sein d’un second cabinet. Tenu par le premier cabinet d’effectuer un préavis d’une durée de six mois, l’avocat était astreint à une obligation de présence au cabinet et il s’y rendait quotidiennement pour y exercer son activité.

Pendant la durée de son préavis, il avait exposé des dépenses tant pour démarcher des clients que pour exercer sa profession à son domicile privé. Ainsi, il avait déduit de son bénéfice imposable au titre de l’année 2011 : une quote-part de 25 % de dépenses de loyer et d’électricité de son domicile ; des frais d’achat de petits équipements, de fournitures, de timbres, de billets de transport, de restauration, de cadeaux ; des frais de déplacement correspondant aux trajets accomplis avec son véhicule entre son domicile et son lieu de travail.

Le requérant, imposé à l’IR dans la catégorie des BNC, déterminait son bénéfice imposable selon les règles de l’article 93 du code général des impôts. Dès lors, il devait tenir une comptabilité de trésorerie et il lui appartenait de justifier le caractère professionnel des sommes déduites de son bénéfice non commercial et qu’elles constituaient des dépenses nécessitées par l’exercice de sa profession.

En réponse à une réclamation de l’avocat et de son épouse du 31 décembre 2014, l’administration fiscale avait refusé, de prendre en compte, au titre des charges déductibles, les dépenses effectuées pour l’exercice de sa profession à son domicile privé et celles pour démarcher les clients, au motif qu’elles ne revêtaient pas un caractère professionnel. À la suite de cette décision du 13 janvier 2016, le couple engagea des poursuites devant le tribunal administratif de Paris, qui les rejeta en date du 27 juin 2017 : il fit appel du jugement devant la cour d’appel administrative de Paris, laquelle, par une décision du 18 octobre 2018, confirma la position du tribunal administratif de Paris.

L’administration fiscale considère que, conformément aux dispositions de l’article 93 du code général des impôts, pour être admises en déduction, les dépenses doivent être nécessitées par l’exercice de la profession et constituer des charges nécessaires à l’acquisition du revenu professionnel (BOFIP, BOI-BNC-BASE-40-20160803). Ainsi, les dépenses qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de la profession ne sont pas prises en compte pour la détermination du bénéfice (BOFIP, BOI-BNC-BASE-40-10-20120912, § 50, et BOI-BNC-BASE-10-20-20170405, § 260 s.).

Par conséquent, la déduction d’une dépense est acceptée si elle est nécessaire pour l’exercice professionnel ; elle constitue en elle-même une charge déductible ; elle est retenue pour son montant réel ; elle est comptabilisée et justifiée.

La nécessité de la dépense pour l’exercice professionnel repose sur l’existence d’un lien entre la dépense et l’exercice de l’activité, qui doit être normal : le comportement du professionnel doit être normal et au mieux de ses intérêts, conforme aux usages et règles déontologiques de sa profession (CAA Bordeaux, 1er avr. 2014, n° 12BX00880). À défaut, la dépense est considérée comme personnelle non déductible.

Ne constituent pas une charge intrinsèquement déductible : les dépenses ayant pour but l’extinction d’une dette en capital ou un caractère de placement, les règlements pécuniaires effectués par l’avocat à l’aide de dépôts de fonds reçus par sa clientèle, les amendes pénales et les pénalités, les provisions, les dépenses d’immobilisations nécessaires à l’exploitation, les dépenses relatives à l’acquisition d’une charge, d’un office ou d’une clientèle.

Les dispositions de l’article 93 du code général des impôts ne prévoient que la prise compte des dépenses pour leur montant réel. Cependant, l’administration fiscale a admis l’évaluation forfaitaire de certaines dépenses, dont celles de véhicule et de carburant (BOFIP, BOI-BNC-BASE-40-60-40-20-20160830).

Les dispositions de l’article 99 du code général des impôts prévoient que les contribuables soumis au régime des BNC sont tenus d’avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. Ils doivent conserver ces registres ainsi que toutes les pièces justificatives selon les modalités prévues aux deux premiers alinéas du I de l’article L 102 B du livre des procédures fiscales.

Pour qu’elle soit déductible, une dépense doit matériellement être appuyée d’une pièce justificative : une facture, une note de restaurant, un billet de train ou d’avion nominatif… Cependant, cette condition n’est pas suffisante : le contribuable doit également apporter la preuve que cette dépense est nécessitée par l’exercice de la profession.

Par exemple, un justificatif, seul, ne peut pas constituer une preuve d’une dépense de déplacement (achat d’un billet d’avion, de train ou une location de voiture) : la destination et les dates doivent également être mises en corrélation avec des missions professionnelles. Ainsi, une note de repas d’affaires n’est pas en soi une pièce justificative : il faut mentionner le nom du client, des participants, les sujets abordés. La démonstration de la preuve peut être étayée par un échange de mails sur les prestations, un mail envoyé au client, une facture émise au nom du client…

L’administration fiscale encadre la déduction des loyers et des charges locatives ayant un caractère mixte, c’est-à-dire requis à la fois à titre privé et à titre professionnel (BOFIP, BOI-BNC-BASE-40-60-30-20120912 et BOI-BNC-BASE-40-10-20120912, § 520). Ainsi, l’administration se rallie à la jurisprudence du Conseil d’État en considérant que, « dans le cas d’un appartement à usage mixte, les dépenses afférentes à cet appartement ne sont admises comme charges professionnelles que dans la mesure de l’utilisation professionnelle par rapport à l’utilisation personnelle des locaux » (CE, 7e et 8e sous-sect., 25 juill. 1980, nos 16749 et 9739). Mais, il faut que le professionnel exerce son activité à son domicile, dont l’adresse doit coïncider avec celle figurant sur l’avis de situation au répertoire SIRENE de l’INSEE. De plus, le bail professionnel (L. n° 86-1290, 23 déc. 1986, art. 57 A et C. civ, art. 1713 à 1762) doit être mixte et le local doit être une pièce fermée, dont il faut pouvoir démontrer le caractère professionnel de son utilisation. Par ailleurs, sa superficie doit être déclarée pour que la valeur locative du bien soit prise en considération dans l’assiette de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

Néanmoins, un professionnel, qui exerce également son activité dans un local loué à titre personnel sans que le besoin soit requis, peut déduire les frais d’utilisation d’une pièce (un local) à usage de bureau au sein de son domicile. Toutefois, à l’instar du professionnel exerçant pleinement son activité dans son appartement loué à titre personnel, il faut pouvoir démontrer le caractère professionnel de la pièce à usage de bureau : une plaque professionnelle peut être apposée, l’adresse inscrite sur l’avis de situation au répertoire SIRENE de l’INSEE peut être celle de son domicile… Il est également conseillé de déclarer la superficie pour que la valeur locative de la pièce soit prise en considération dans l’assiette de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Cependant, avant de procéder à la déduction de ces frais, il convient de comparer le montant à la réduction d’impôt sur le revenu attendue.

Enfin, le paiement de la CFE peut également contribuer à démontrer le caractère professionnel des frais engagés pour démarcher les clients. En effet, il est difficile pour l’avocat démissionnaire astreint pendant son préavis à une obligation de présence au cabinet avec lequel il est en conflit, de garantir, auprès de ses clients présents ou futurs, la confidentialité des échanges et le secret professionnel en les recevant dans un bureau de ce cabinet. Cette démonstration peut également être détaillée par un échange de mails sur les prestations, un mail envoyé au client…