Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Question préjudicielle : droit d’établir la matérialité de certains faits

Bien que la Cour européenne des droits de l’homme interdise aux juridictions d’exprimer un avis préalable ou une idée préconçue sur le fond lors de questions de procédure ou de compétence, une juridiction nationale qui se prononce sur la matérialité des faits dans le cadre d’un recours préjudiciel ne viole pas le droit à la présomption d’innocence ni le droit à un tribunal impartial dès lors qu’elle entend appliquer les garanties procédurales prévues par le droit national pour les jugements sur le fond.

Le 30 mars 2023, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par le tribunal pénal spécialisé de Bulgarie, a rendu un arrêt sur renvoi préjudiciel en interprétation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) à la lumière des articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la Charte). Cette même espèce a déjà donné lieu à une question préjudicielle portant sur les droits des personnes soupçonnées lors des auditions de témoins en septembre 2022 (CJUE 15 sept. 2022, aff. C-347/21, Dalloz actualité, 4 oct. 2022, obs. C. Fauchon). Il s’agit de cinq personnes accusées d’avoir participé à une bande criminelle organisée visant, dans un but d’enrichissement, à transporter à travers les frontières bulgares des ressortissants de pays tiers et à les aider illégalement à traverser le territoire bulgare ainsi qu’à recevoir ou à donner des pots-de-vin en relation avec cette activité.

La question préjudicielle ayant donné lieu à l’arrêt ici commenté ne porte pas cette fois sur les droits des personnes soupçonnée dans la procédure pénale bulgare mais sur le système du renvoi préjudiciel en interprétation. Plus précisément, le tribunal pénal spécialisé de Bulgarie demande si « l’article 47 de la Charte, qui consacre l’exigence d’un tribunal impartial, et l’article 48, § 1, de la Charte, qui affirme la présomption d’innocence du prévenu, font-ils obstacle à un renvoi préjudiciel en vertu de l’article 267 du TFUE, dans lequel il est considéré comme établi que la personne poursuivie a commis certains actes, si, avant ce renvoi préjudiciel, la juridiction a appliqué toutes les garanties procédurales requises pour une décision au fond ? ». En effet, la juridiction de renvoi explique qu’elle n’a pas encore établi si les affirmations du parquet spécialisé sont étayées par les pièces du dossier. Néanmoins,...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :