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La quittance du paiement hors la vue du notaire ne se combat que par un écrit

La quittance d’une somme payée en dehors de la comptabilité du notaire fait foi jusqu’à preuve contraire. Sauf à invoquer l’une des exceptions prévues par la loi, celle-ci ne peut toutefois être rapportée que par la production d’un écrit. Ce faisant, l’obtention d’un aveu extrajudiciaire du débiteur défaillant n’est point de nature à annuler le caractère libératoire de la mention du quittancement. La quittance du paiement hors la vue du notaire ne se combat que par un écrit.

par Alex Tanile 5 juillet 2019

Aux termes d’une donation-partage, une sœur reçoit diverses parcelles de terres à charge pour elle de payer une soulte à sa sœur et son frère. Ces derniers reconnaissent dans l’acte avoir reçu paiement de cette soulte hors la comptabilité du notaire et dans la foulée consentent bonne et valable quittance. Plusieurs années après, ceux-ci reviennent sur leurs déclarations : soutenant qu’en réalité aucun paiement n’était intervenu, ils délivrent à leur sœur plusieurs sommations interpellatives auxquelles celle-ci répond ne pas avoir versé la soulte, puis ils l’assignent en paiement.

La cour d’appel accueille cette demande en estimant que la reconnaissance ainsi faite par la débitrice de ce qu’elle n’a pas payé les sommes dues constitue un aveu extrajudiciaire qui annule le caractère libératoire de la mention du quittancement apporté par le notaire hors sa comptabilité (Saint-Denis de la Réunion, 19 mai 2017). L’arrêt est censuré par la Cour de cassation (Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-10.885, D. 2019. 1046 ; AJ fam. 2019. 344, obs. N. Levillain ; JCP N 2019, n° 21, act. 490, obs. J.-M. Delpérier). Quoique rendue à la lumière du droit antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la décision commentée n’aurait pas été différente sous l’empire du droit nouveau. À ce titre, elle mérite d’autant plus l’attention.

La donation-partage mentionnait que la soulte avait été versée en dehors de la comptabilité du notaire. Dès lors, ce paiement s’apparentait à un élément n’ayant pas été personnellement constaté par l’acte authentique. Ce faisant, il ne pouvait bénéficier des bienfaits de l’authenticité qui, chacun le sait, a force probante jusqu’à preuve contraire par l’inscription de faux en écriture publique (V. par ex., Civ. 3e, 19 mars 1974, n° 73-10.090). Tel est désormais ce qu’affirme avec une particulière clarté le nouvel article 1371 du Code civil : « l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté ». De ce texte, l’on en déduit a contrario que ce que le notaire n’a pas accompli ou constaté personnellement (propriis sensibus), mais qu’il ne fait que rapporter sur la base des affirmations de ses clients, sans bien sûr pouvoir en garantir la véracité, ne bénéficie pas de la force probante renforcée des écrits authentiques (E. Vergès, G. Vial et O. Leclerc, Droit de la...

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