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Rançongiciel Locky : « Si j’avais vu que la plateforme servait à blanchir des fonds, je me serais adressé à la police »

Au quatrième jour du procès Alexander Vinnik, son avocate grecque l’a longuement interrogé sur son rôle supposé dans l’affaire du rançongiciel Locky. Des questions qui, souvent, ont pris la forme de commentaires sur la procédure, voire de plaidoirie. Ce qui a provoqué moult incidents avec le tribunal.

par Pierre-Antoine Souchardle 23 octobre 2020

Alexander Vinnik aime les blockbusters américains. À plusieurs reprises, ce Russe de 41 ans, a fait référence aux films hollywoodiens dans lesquels les policiers, forcément bons, arrivent à trouver le coupable grâce à une enquête minutieuse et acharnée. « Dans ces films, les enquêteurs établissent un lien entre les preuves et les mis en cause, avec l’ADN, les photos ». Tout le contraire, dit-il du travail des policiers français et des juges d’instruction qui l’ont renvoyé devant le tribunal. 

Après une première série de questions posées mercredi soir par l’un de ses avocats, Me Frédéric Belot, ce fut au tour jeudi de son avocate grecque, Me Zoi Konstantopoulou. L’avocate, ancienne députée du parti grec Syriza et présidente du parlement grec, est une adepte de la guérilla. Elle a l’art de créer des polémiques et incidents pour tenter de faire sortir de leurs gonds le tribunal ou le procureur.

Pendant plus de deux heures, elle a interrogé son client sur la procédure… grecque, dont n’est pas saisi le tribunal. Alexander Vinnik a été interpellé en juillet 2017, alors qu’il passait en famille des vacances en Grèce, à la demande des autorités américaines. Elles considèrent que le Russe serait l’un des responsables de la plateforme de monnaie virtuelle BTC-e, « le service de change utilisé par les cybercriminels à travers le monde ». BTC-E a été fermée en 2017. Durant sa détention en Grèce avant sa remise à la France en janvier 2020, M. Vinnik a entamé trois grèves de la faim, dont la plus longue a duré quarante-cinq jours.

Deux ordinateurs, une tablette et deux téléphones ont été saisis. Les autorités américaines en ont eu copie et ont transmis aux autorités judiciaires françaises un exemplaire du disque dur d’un ordinateur et des éléments d’un des téléphones. Pour la défense, le complot est évident, comme l’organisateur, les autorités américaines. Tel ce document du ministère de la Justice américain qui souhaite que ni M. Vinnik, ni sa défense ne prennent connaissance de documents.

S’ensuit une longue lecture de documents provenant de la procédure grecque que la défense a obtenue il y a peu. Ni le tribunal, le parquet ou les parties civiles n’en ont eu connaissance – ce qui évidement créé des tensions. Ces lectures se terminent par « Le saviez-vous ?» ou « Aviez-vous eu connaissance de ce document ? » Et, invariablement, la réponse est non. Parfois oui. Sans doute la variante judiciaire du jeu du Ni oui Ni non.

À la présidente qui s’inquiète de ne pas entendre de questions sur la procédure française, l’avocate répond par atteinte aux droits de la défense. Lorsqu’elle aborde enfin la procédure qui vaut à son client d’être renvoyé devant le tribunal, celui-ci affirme ne rien avoir avec le virus Locky.

En France, ce virus a fait près de deux cents victimes et un peu plus de 5 000 dans le monde. Pour récupérer les données que cryptées par le virus, les personnes devaient verser une rançon en bitcoin, l’équivalent de 3 000 €).

À la présidente qui trouve curieux que le prévenu travaille sur une plateforme d’échange de bitcoin alors que le, ou les, auteur(s) des attaques Locky exigent des rançons en bitcoin, Alexander Vinnik a une réponse simple : « Si j’avais vu que la plateforme servait à blanchir des fonds, je me serais adressé à la police ».

C’est à se demander si Alexander Vinnik n’aimerait pas interpréter son propre rôle au cinéma. Mais pas dans un film hollywoodien. Car les autorités judiciaires américaines veulent le juger, entre autres, pour blanchiment d’avoir criminels. Il risque outre-Atlantique une très longue peine de prison. 

 

Sur le procès Alexander Vinnik, Dalloz actualité a également publié :

Distribution de masques chirurgicaux à l’audience : la défense dénonce une « mise en scène », par P.-A. Souchard, le 29 janvier 2020.

Rançongiciel Locky : la défense d’exaspération des avocats de l’unique prévenu, par P.-A. Souchard, le 20 octobre 2020.

Rançongiciel Locky : un cas d’école, selon un enquêteur, un travail bâclé selon le prévenu, par P.-A. Souchard, le 21 octobre 2020.

Procès Vinnik : incidents, par P.-A. Souchard, le 22 octobre 2020.