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Rappel de la caractérisation du préjudice en matière de discrimination et nouvelle CCN jugée insuffisamment protectrice du salarié en forfait jours

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, ce 24 avril 2024, un arrêt d’espèce qui rappelle des solutions fort intéressantes. D’une part, le préjudice se caractérise eu égard à la situation dans laquelle se trouverait la victime en l’absence de fait dommageable. D’autre part, la convention individuelle de forfait en jours est nulle si les stipulations de l’accord collectif n’assurent pas la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires. Enfin, l’employeur doit vérifier que la charge de travail du salarié est raisonnable, ce qu’une charte des bonnes pratiques n’a pas permis de prouver en l’espèce.

La convention individuelle de forfait en jours, dont l’introduction au sein du code du travail résulte de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite « loi Aubry II », est une technique bien diffusée dans les entreprises aujourd’hui (en ce sens, G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, 38e éd., Dalloz, 2024, n° 883, p. 1146). La fréquence des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation sur cette convention témoigne de ce phénomène et l’arrêt rendu le 24 avril 2024 s’insère dans cette série.

En l’espèce, une avocate salariée est promue au grade de « senior 1 », puis « senior 3 » deux ans après. L’employeur décide, à la suite de ses congés maternité et parental, de la convoquer à un entretien préalable au licenciement avant de finalement lui notifier la rupture de son contrat de travail.

La salariée saisit le bâtonnier de l’ordre des avocats aux fins notamment de juger qu’elle a fait l’objet d’une discrimination en raison de son sexe et de son état de maternité, ce à quoi le bâtonnier a fait droit, estimant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Hélas, l’avocate est déboutée de sa demande tendant à ordonner son repositionnement au grade « senior manager 1 » et de celle tendant au paiement d’une somme au titre d’heures supplémentaires, au surplus tant par le bâtonnier que par la cour d’appel. Elle se pourvoit alors en cassation et fait valoir deux moyens, outre celui de pur droit relevé d’office par la chambre sociale. La salariée soutient, au titre de la première branche de son premier moyen, que la cour d’appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 1134-5 du code du travail en ce qu’elle aurait dû rechercher à quel grade la salariée serait parvenue en l’absence de discrimination. Elle prétend, suivant la première branche de son quatrième moyen, que la cour d’appel a privé de base légale sa décision, au regard des articles L. 3121-60 et suivants du code du travail, ensemble l’article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. Les juges du fond devaient, en effet, rechercher si la charte des bonnes pratiques dont se prévalait l’employeur prévoyait des modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail, la salariée étant liée avec lui par une convention individuelle de forfait en jours.

La chambre sociale de la Cour de cassation suit la salariée et casse partiellement l’arrêt d’appel, ce dont il résulte que l’arrêt intéresse non seulement le préjudice en droit du travail mais le temps de travail en matière de convention individuelle de forfait en jours.

Droit du travail et caractérisation du préjudice

La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, en premier lieu, que le salarié privé d’une possibilité de promotion à la suite d’une discrimination peut prétendre, afin de réparer le préjudice qu’il subit, à son reclassement dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discrimination, coefficient que le juge doit déterminer.

Cette solution n’est effectivement ni nouvelle (Soc. 16 janv. 2019, n° 17-24.082 ; 9 oct. 2019, n° 18-16.109 ; 19 janv. 2022, n°s...

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