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Rappel des règles en matière de motivation des arrêts de cours d’assises

Étant donné que ce sont les réponses affirmatives aux questions posées à la cour d’assises qui permettent de caractériser les éléments constitutifs d’un crime, la Cour de cassation n’a pas à contrôler la caractérisation de ces éléments dans la feuille de motivation, sauf à constater une absence ou une contradiction de motifs. 

La mémoire commune des pénalistes est encore marquée par la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2018 (Cons. const. 2 mars 2018, M. Ousmane K. et autres, n° 2017-694 QPC, Dalloz actualité, 6 mars 2018, obs. D. Goetz ; AJDA 2018. 1561 , note M. Verpeaux ; D. 2018. 1191 , note A. Botton ; ibid. 1611, obs. J. Pradel ; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2018. 189, Décision ; ibid. 261, chron. A. Ponseille ; RSC 2018. 981, obs. B. de Lamy ; RSC 2018. 981, obs. B. de Lamy) relative à l’exigence de motivation des peines par la cour d’assises. Elle a conduit à une modification de l’article 365-1 du code de procédure pénale par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Cet article était apparu plus tôt, en 2011. En effet, la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 avait pour la première fois imposé la motivation des arrêts de cours d’assises, dans un premier temps cantonnée à l’énoncé des principaux éléments à charge. Cette réforme a fait disparaître une spécificité de la justice criminelle qui prévalait depuis la Révolution française : l’absence de motivation. Un tel changement de paradigme met du temps à être parfaitement maîtrisé, et c’est pourquoi la Cour de cassation est régulièrement invitée à livrer son appréciation de l’article 365-1 du code de procédure pénale.

Le 6 octobre 2020, un homme a été renvoyé devant une cour criminelle départementale pour violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par concubin. La cour l’a condamné à douze ans de réclusion criminelle, à l’interdiction définitive du territoire français et a ordonné le retrait de l’autorité parentale. L’accusé et le ministère public ont interjeté appel de l’arrêt de condamnation. L’affaire a été portée devant la Cour d’assises de l’Eure, qui a condamné l’accusé à douze ans de réclusion criminelle et dix ans d’interdiction du territoire français. Par un arrêt du même jour, la cour a prononcé le retrait de l’autorité parentale. L’accusé a formé des pourvois contre ces décisions. Dans le premier moyen, il reprochait à la cour d’assises d’avoir insuffisamment motivé sa déclaration de culpabilité, tandis que dans le second, il faisait grief à l’arrêt de ne pas avoir suffisamment justifié le retrait de l’autorité parentale.

La motivation de la déclaration de culpabilité par la cour d’assises

Pour caractériser les violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, la cour d’assises a retenu que la victime était marquée d’une plaie au visage de neuf centimètres, irréversible malgré la chirurgie réparatrice. Plus spécifiquement, elle a retenu la qualification de mutilation au regard de l’emplacement de la plaie. Le visage est en effet une « zone exposée aux regards », qui constitue le siège de l’identité, la personnalité et l’image d’une personne, selon les termes de la feuille de motivation. Dès lors, la blessure constituait une perte irrémédiable, ce qui permettait de retenir l’existence d’une mutilation au sens de l’article 222-9 du code pénal. Pour le pourvoi, cette cicatrice ne répondait pas à la définition de cet élément constitutif, qui selon lui suppose « le constat d’une ablation, une amputation ou une perte de substance ». Il est vrai que la lecture de la jurisprudence laisse penser qu’il faut faire cette interprétation de l’article 222-9 du code pénal : il y est question d’arrachement du pavillon d’une oreille (Crim. 8 mars 1912), d’ablation de la rate (Crim. 18 déc. 1962), d’amputation d’un rein (T. corr. Seine, 29 mars 1962)… Récemment, un placard cicatriciel a...

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