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Rapport d’une donation avec charge : un savant dosage de valorisme et de nominalisme

La Cour de cassation réaffirme que le rapport d’une donation avec charge n’est dû qu’à concurrence de l’émolument net procuré par la libéralité, calculé en déduisant de la valeur du bien donné à l’époque du partage (d’après son état à l’époque de la donation), le montant de la charge déterminé au jour de son exécution.

Les règles applicables aux actes gratuits doivent souvent être aménagées pour les libéralités avec charge, dont la particularité soulève de nombreuses questions juridiques. Dans cet arrêt du 16 novembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation était saisie d’une difficulté tenant au calcul de l’indemnité de rapport d’une donation avec charge. Il s’agissait de préciser le champ d’application du mécanisme de la dette de valeur.

Les faits sont dénués de complexité. Deux parents avaient consenti en 1993 une donation à l’un de leurs enfants, portant sur la nue-propriété d’un immeuble avec charge, pour le donataire, de leur verser immédiatement une certaine somme. Suite aux décès des parents donateurs, des difficultés sont apparues quant aux opérations de compte, liquidation et partage des successions. La donation de 1993 ayant été consentie en avance de part successorale, elle devait rapportée à la masse à partager. L’évaluation de l’indemnité de rapport posa question. La cour d’appel de Nîmes avait, au terme d’un arrêt du 17 décembre 2020, considéré qu’il convenait de déterminer d’abord la valeur du bien donné à l’époque du partage d’après son état à l’époque de la donation, puis d’y soustraire le montant acquitté par le donataire au titre de la charge. La valeur du bien fut évaluée à 336 000 € au jour du partage. Déduction faite de la charge payée au jour de la donation (60 369,91 €), le montant de l’indemnité de rapport devait, selon les juges du fond, être évalué à 275 630,09 €.

Le donataire débiteur du rapport forma un pourvoi en cassation car il estimait qu’il aurait fallu procéder à une réévaluation, à l’époque du partage, du montant de la charge versée en 1993. Selon lui, « le montant du rapport dû en vertu d’une donation avec charge n’est que de la différence entre la valeur du bien donné et la charge, déterminée au jour où la charge a été exécutée et ensuite réévaluée au jour du partage » (§ 4).

La Cour de cassation était ainsi confrontée à une question de pur droit : pour calculer l’indemnité de rapport, la charge déductible de l’émolument donné doit-elle faire l’objet d’une réévaluation ? Convient-il de la soumettre au nominalisme monétaire (au détriment du...

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