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Article
Le rapport de l’avantage indirect consenti à l’héritier occupant et nu-propriétaire indivis
Le rapport de l’avantage indirect consenti à l’héritier occupant et nu-propriétaire indivis
La Cour de cassation précise les modalités de rapport de l’avantage indirect consistant en l’occupation gratuite, par un successible, d’une partie d’un bien dont il est nu-propriétaire indivis. Il ne peut pas déduire de l’indemnité de rapport les dépenses qu’il a supportées si elles relèvent du domaine des grosses réparations.
Lorsqu’en 2012, la Cour de cassation avait mis fin à sa jurisprudence relative au rapport des avantages indirects objectifs (consentis sans intention libérale), les observateurs s’avouaient soulagés qu’un contentieux aussi lourd soit ainsi éludé. Dix ans plus tard, les difficultés reviennent sur le devant de la scène jurisprudentielle, d’autant plus ténues lorsque le successible occupe, à titre gratuit, une partie d’un bien dont il est nu-propriétaire indivis. Tel est le cas dans ce riche arrêt rendu le 2 mars 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation qui mêle le droit des successions, des libéralités, de l’usufruit, de l’indivision, du bail et du mandat.
En l’espèce, une mère était usufruitière d’un bien immobilier dont ses deux fils étaient nu-propriétaires indivis. Depuis 1971, l’un des fils occupait une partie du bien à titre personnel et professionnel, sans verser de loyer mais en prenant à sa charge de nombreuses dépenses d’entretien et d’amélioration. Au décès de l’usufruitière, survenu en 2015, des difficultés se sont élevées quant au règlement de la succession.
Aux termes d’un arrêt rendu le 9 septembre 2020, la cour d’appel de Poitiers fit droit aux demandes du frère de l’occupant. Elle reconnut d’abord que l’occupant était tenu de rapporter à la succession l’avantage indirect résultant de l’occupation gratuite du bien immobilier pendant quarante-quatre ans. Elle estima l’indemnité de rapport à la somme de 261 536,49 €, correspondant au montant des loyers impayés, déduction faite des réparations et frais d’entretien incombant normalement à l’usufruitière et qui avaient été acquittés par l’occupant nu-propriétaire.
La cour d’appel énonça ensuite que le frère de l’occupant était créancier d’une somme de 92 600 € au titre de sa gestion de l’indivision.
Le succombant forma un pourvoi en cassation. La Cour de cassation estima les deux premiers moyens infondés mais accueillit les deux derniers, et prononça donc une cassation partielle. En somme, l’occupant était bien débiteur d’une indemnité de rapport mais son frère n’était pas créancier d’une indemnité de gestion.
L’existence d’une dette de rapport
La question de la dette de rapport est centrale dans cette décision, tant en ce qui concerne son existence de principe que son montant.
La reconnaissance d’une dette de rapport
Selon l’article 843 du code civil, tout héritier doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement, sauf dispense de rapport. L’institution du rapport permet de préserver la vocation légale des héritiers (et non l’égalité entre héritiers, contrairement à une opinion communément admise). Pendant longtemps, la Cour de cassation soumettait au rapport le successible ayant bénéficié d’avantages qui ne constituaient pas des libéralités, faute d’intention libérale ou de déséquilibre économique. Tel était le cas lorsqu’il occupait gratuitement un bien mis à disposition par le de cujus. Par une série de quatre arrêts rendus le 18 janvier 2012, la Cour de cassation avait opéré un retour salutaire à l’orthodoxie juridique en énonçant en attendu de principe que « seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession » (Civ. 1re, 18 janv. 2012, n° 09-72.542, Dalloz actualité, 6 févr. 2012, obs. N. Le Rudulier ; D. 2012. 283 ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2012. 234, obs. A. Bonnet ; RTD civ. 2012. 353, obs. M. Grimaldi ; n° 10-27.325, Dalloz actualité, 31 janv. 2012, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 283 ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; RTD civ. 2012. 353, obs. M. Grimaldi ; n° 11-12.863, Dalloz actualité, 10 févr. 2012, obs. N. Le Rudulier ; D. 2012. 283 ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2012. 235, obs. E. Buat-Ménard ; RTD civ. 2012. 307, obs. J. Hauser ; ibid. 353, obs. M. Grimaldi ; n° 10-25.685, Dalloz actualité, 30 janv. 2012, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 283 ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2012. 156, obs. N. Régis ; JCP 2012. 835, note F. Sauvage ; Dr. fam. 2012. 3. Comm. 50, note B. Beignier ; RJPF 2012. 2. 6, note D. Martel ; RLDC 2012. 94. 43, note R. Mésa ; Lexbase Hebdo 2012. 478, note S. Deville). Depuis lors, il lui arrive fréquemment de censurer des arrêts d’appel n’ayant pas pris la mesure de ce revirement.
En l’espèce, c’est bien d’un avantage indirect par occupation gratuite dont il était question. Les juges du fond ayant souverainement estimé que la de cujus était animée d’une intention libérale, c’est le critère matériel que le premier moyen du pourvoi tentait de contester (§ 3). La de cujus ne se serait pas appauvrie car...
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