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Article
Les rapports conflictuels du sursis à exécution et des mesures conservatoires
Les rapports conflictuels du sursis à exécution et des mesures conservatoires
Le premier président de la cour d’appel peut ordonner le sursis à l’exécution de toutes les décisions du juge de l’exécution, à l’exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur les demandes dépourvues d’effet suspensif, à moins qu’elles n’ordonnent la mainlevée d’une mesure. L’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution ne distingue pas selon que la mesure a été pratiquée avec ou sans autorisation préalable du juge. Il s’ensuit qu’en cas d’appel du jugement ayant ordonné la mainlevée d’une mesure conservatoire autorisée sur requête, le créancier peut saisir le premier président de la cour d’appel d’une demande de sursis à exécution, cette demande prorogeant, conformément aux dispositions de l’article R. 121-22, alinéa 2, précité, les effets attachés à la mesure. La demande de sursis à exécution, qui proroge les effets de la mesure conservatoire, suspend également la condamnation du créancier au paiement de dommages-intérêts pour abus de saisie ainsi que la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles, qui s’y rattachent par un lien de dépendance.
par Nicolas Hoffschir, Maître de conférences à l'Université d'Orléansle 4 avril 2023
La décision du juge de l’exécution qui rétracte une ordonnance autorisant une personne à pratiquer une mesure conservatoire peut-elle faire l’objet d’un sursis à exécution ? Telle était la question soumise, une nouvelle fois, à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
Nul n’ignore que, lorsqu’est suivie la procédure ordinaire devant le juge de l’exécution, « le délai d’appel et l’appel lui-même n’ont pas d’effet suspensif » (C. pr. exéc., art. R. 121-21). Mais le créancier peut toujours, après avoir interjeté appel, solliciter du premier président de la cour d’appel qu’il sursoie à l’exécution de la décision prise par le juge de l’exécution (C. pr. exéc., art. R. 121-22). Le domaine du sursis à exécution a été conçu largement : l’application stricte du texte, qui vise toutes les « décisions prises par le juge de l’exécution », devrait conduire à n’en exclure aucune. La Cour de cassation a su toutefois cantonner le jeu de ce mécanisme dans de justes limites en excluant les décisions du juge qui statuent sur des demandes dépourvues d’effet suspensif, à moins qu’elles ordonnent la mainlevée de la mesure (Civ. 2e, 19 nov. 2020, n° 19-17.931 P, Dalloz actualité, 18 déc. 2020, obs. G. Payan ; Rev. prat. rec. 2021. 11, chron. M. Draillard, A. Provansal et O. Salati ; 25 mars 1999, n° 97-15.645 P, D. 1999. 112 ; RTD civ. 1999. 470, obs. R. Perrot ; 18 déc. 1996, n° 95-12.602 P, D. 1997. 39 ; RTD civ. 1997. 749, obs. R. Perrot ). Les effets attachés à la demande sur laquelle statue le juge de l’exécution ont ainsi conduit à exclure certaines décisions du domaine de celles pouvant faire l’objet d’un sursis à exécution. Une autre difficulté, qui n’appelle aucune réponse évidente, concerne les décisions du juge de l’exécution qui rétractent des ordonnances autorisant une personne à pratiquer une mesure conservatoire.
L’affaire ayant conduit à son prononcé était plutôt originale. Une société chargée de l’aménagement, du maintien et de l’exploitation de plateformes aéroportuaires avait obtenu d’un juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une saisie, à titre conservatoire, d’un aéronef afin de garantir le paiement d’une créance qu’elle détenait à l’encontre d’une compagnie aérienne, ce qui est permis par l’article L. 6123-2 du code des transports. Le 18 octobre 2018, après que la saisie conservatoire avait été opérée, le juge de l’exécution, saisi par une autre société, en qualité de bénéficiaire d’un trust, a ordonné sous astreinte la mainlevée immédiate de la mesure et a condamné la société saisissante au paiement d’une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie. Le même jour, la société saisissante a interjeté appel du jugement rendu par le juge de l’exécution et a saisi le premier président d’une demande de sursis à exécution. La cour d’appel a finalement confirmé le jugement rendu et le premier président, qui n’avait vraisemblablement pas eu le temps de statuer sur la demande de sursis, a en conséquence constaté son dessaisissement. Mais, dès qu’il a été prononcé, le jugement rétractant l’autorisation de pratiquer des mesures conservatoires a été mis à exécution et la liquidation de l’astreinte a ultérieurement été sollicitée. La cour d’appel, parallèlement saisie, déniant tout effet à la demande de sursis à exécution, a rejeté les contestations des différentes saisies qui avaient été pratiquées et, constatant que la société n’avait été confrontée à aucune difficulté pour exécuter l’ordonnance de mainlevée, a liquidé l’astreinte pour une période courant depuis la notification du jugement. Son arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Le premier moyen tentait de tirer parti des originalités de la procédure de saisie conservatoire des aéronefs. Chacun sait que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère » (C. pr. exéc., art. L. 131-4) et, naturellement, l’inexécution ou le retard dans l’exécution peut trouver sa source dans le comportement d’un tiers ou, même, du créancier (Civ. 2e, 11 févr. 2021, n° 19-23.240 P, Dalloz actualité, 8 mars 2021, obs. G. Payan ; Rev. prat. rec. 2021. 33, chron. D. Gantschnig ; RTD civ. 2021. 469, obs. P. Théry ). La société ayant pratiqué la saisie conservatoire tentait de tirer parti de ce texte pour échapper au paiement de l’astreinte en soulignant notamment qu’il résulte de l’article L. 6123-2 du code des transports que « l’ordonnance du juge de l’exécution est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne de l’aérodrome aux fins d’immobilisation de l’aéronef » : en somme, selon la société demanderesse, ce n’est pas elle qui pouvait exécuter l’ordonnance de mainlevée, mais les autorités responsables désignées par le texte. La Cour de cassation a toutefois rejeté ce moyen en s’appuyant sur les constatations des juges du fond. Elle a en effet relevé que la société avait pratiqué la saisie conservatoire en recourant aux services d’un commissaire de justice et qu’il en était de même de la mainlevée : le commissaire avait procédé au bris des scellés et au retrait des placards, l’ordonnance étant, le même jour, notifiée à la direction générale de l’aviation...
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Droit et pratique des voies d’exécution 2022/23
04/2022 -
10e édition
Auteur(s) : Serge Guinchard; Tony Moussa; Nicolas Cayrol; Edouard De Leiris; Frédéric Arbellot; Cyril Bloch; Nicolas Cayrol; Edouard De Leiris; Xavier Daverat; Anne-Gaëlle Dumas; Philippe Flores; Emmanuel Guin