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Réception de l’ouvrage comme point de départ du délai de responsabilité décennale du constructeur

Le délai de prescription de dix ans consacré par l’article 1792-4-3 du code civil commence à courir à compter de la réception de l’ouvrage, quand bien même celle-ci aurait été assortie de réserves. 

Dans l’arrêt rapporté, le Conseil d’État confirme l’applicabilité de la prescription décennale, au détriment de la prescription quinquennale. Dans l’alignement de sa jurisprudence antérieure, il remet en lumière le principe selon lequel la réception marque le début des garanties légales : ce délai commence à courir dès la réception des travaux, indépendamment de la levée des réserves.

Application de la prescription quinquennale en appel

Par un marché du 19 août 2009, le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau avait confié la construction d’une centrale photovoltaïque à la société JSA Technology. La réception des travaux est intervenue le 28 février 2013, sous réserve du raccordement au réseau EDF, lequel n’a pas pu avoir lieu l’année suivante. Quant à la mise en service de la centrale, elle n’a été demandée à la société par l’hôpital qu’en mars 2018.

Le centre hospitalier a saisi la juridiction administrative afin d’obtenir réparation, estimant que son entrepreneur avait manqué à ses obligations contractuelles. La cour administrative d’appel a fini par condamner le constructeur à verser une certaine somme au maître d’ouvrage (CAA Bordeaux, 3e ch., 2 mai 2023, n° 21BX02100).

En a découlé le pourvoi en cassation de JSA Technology, contestant, en premier lieu, le point de départ retenu par les juges du second degré du délai de prescription de l’action en responsabilité engagée par le centre hospitalier. En effet, la société reproche à la cour d’avoir commis une erreur de droit en fixant ce point de départ au 1er avril 2018 : date à laquelle le maître d’ouvrage lui avait enjoint de mettre en service la centrale, ce, en faisant application de la prescription quinquennale régie par l’article 2224 du code civil.

Par ailleurs, l’entreprise fait grief au juge du second degré de ne pas avoir recherché la présence d’une incertitude sur l’étendue exacte de ses responsabilités concernant le raccordement de la centrale, qualifiant directement la faute contractuelle.

De son côté, le mémoire en défense de l’hôpital conclut au rejet du pourvoi. Selon elle, la cour administrative d’appel aurait « dénaturé les faits en jugeant que la responsabilité de la société JSA Technology n’était engagée qu’à compter du 1er avril 2018, alors qu’elle l’était depuis le 26 juin 2014 ».

Exclusion de la prescription quinquennale en faveur de la décennale

La juridiction bordelaise avait invoqué le délai de cinq ans de droit commun : régime général applicable à toute action en responsabilité civile, dont le point de départ est fixé à compter du jour où la victime a eu connaissance des faits. Le recours à l’article 2224 du code civil s’avérant compliqué en l’espèce, le Conseil d’État s’est livré à une substitution de motifs en employant le régime spécial de la décennale. Il estime en effet que : « ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et qui se dégage de faits constants, doit être substitué au motif...

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