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La « réception » par le salarié de la lettre de licenciement, point de départ du délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat

Le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture. Et, aux termes des articles 2228 et 2229 du code civil, le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Ainsi, dès lors que la lettre de licenciement a été réceptionnée par le salarié le 10 août 2019, le délai de prescription a commencé à courir le 11 août 2019 à 0 heure pour s’achever le 10 août 2020 à minuit, de sorte que l’action en contestation introduite le 10 août 2020 n’était pas prescrite.

La prescription en droit du travail est un vaste sujet : la chambre sociale de la Cour de cassation y a consacré une étude complète, laquelle a été publiée au recueil annuel des études de 2023 (Cour de cassation, Recueil annuel des études 2023, p. 89 s.) et les législateurs successifs n’ont eu de cesse d’en raccourcir les délais, par souci de sécurité juridique. À la faveur des lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013 puis de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les délais de prescription ont été continuellement réduits, que ce soit en matière de contestation de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail ainsi qu’en matière de demande de rappel de salaires. Le sujet prend parfois une dimension politique, au soutien d’un discours jugeant le droit du travail français comme étant facteur d’insécurité juridique pour les entreprises. À titre d’illustration, l’Institut Montaigne proposait de réduire le délai de prescription pour contester la rupture du contrat de travail à « quelques mois » pour s’approcher de la moyenne européenne en la matière (Institut Montaigne, 18 idées pour le prochain quinquennat, févr. 2022).

Malgré la cacophonie législative et politique que suscite parfois la prescription en droit du travail, certaines interrogations sont demeurées sans réponse et c’est au juge qu’est revenue la mission de construire un édifice stable et cohérent. L’arrêt commenté en est une énième illustration s’agissant d’un point de droit pourtant fondamental, à savoir le point de départ du délai de prescription de douze mois pour contester la rupture de son contrat de travail. Les faits de l’espèce sont relativement simples mais la question de droit sous-jacente nous paraît sensible : un salarié est licencié pour faute grave le 9 août 2019 ; il reçoit sa lettre de licenciement le 10 août 2019 et conteste la rupture de son contrat de travail le 10 août 2020, soit à l’ultime limite des douze mois impartis pour ce faire. L’action est-elle prescrite ? La prescription est un mécanisme d’extinction d’un droit par l’écoulement du temps, le point n’est donc pas neutre pour le salarié, l’employeur, et éventuellement pour le conseil du demandeur qui voit s’agiter dangereusement le spectre de sa responsabilité civile professionnelle. Pourtant, à notre connaissance, la Cour de cassation ne s’était jamais prononcée précisément sur cette question.

Le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la notification de celle-ci au salarié

La Cour de cassation considère de façon constante, s’agissant du délai de douze mois pour contester la rupture du contrat de travail, que le délai de prescription court à compter de la notification de la rupture du contrat de travail (Soc. 9 oct. 2012, n° 11-17.829 P, Dalloz actualité, 5 nov. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 2456 ; Dr. soc. 2013. 176, obs. C. Radé ; RJS 12/2012, n° 983 ; 6 nov. 2019, n° 18-22.874). Ces arrêts ont été rendus du temps où l’ancien article L. 1471-1 du code du travail précisait, tant pour l’exécution que pour la rupture du contrat, que le délai courait à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, ce qui était interprété par la Cour de cassation comme étant le jour de la notification de la rupture en cas de rupture du contrat. Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit et toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture (C. trav., art. L. 1471-1, al. 1er et 2). Ce principe est rappelé dans l’arrêt commenté et ne fait pas débat.

Faute de précision supplémentaire, il a été nécessaire, pour les praticiens et les juridictions, de déterminer à quelle date il était nécessaire de figer le moment de la notification de la rupture du contrat. À cet égard, la jurisprudence de la chambre sociale de la...

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