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Recevabilité de l’action en contrefaçon d’une société de gestion collective

Une société de gestion collective peut agir en contrefaçon, encore faut-il qu’elle apporte la preuve des droits qu’elle entend revendiquer.

par Jeanne Daleaule 20 avril 2020

Une société de gestion collective peut, sur le fondement de l’article L. 321-2 du code de la propriété intellectuelle (anc. art. L. 321-1 CPI applicable en l’espèce) ester en  justice pour la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres. À ce titre, elle a qualité pour agir en contrefaçon à l’encontre de celui qui porterait atteinte aux droits des auteurs qui lui confient leurs œuvres et/ou interprétations.

L’affaire qui a donné lieu à cet arrêt de la première chambre civile du 11 mars 2020, opposait la société des auteurs de jeux (SAJE), société de gestion collective figurant sur la liste des sociétés de perception et de répartition des droits reconnues par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et la société Orange. La SAJE gère un répertoire composé de formats de jeux, créés par un ou plusieurs auteurs mais également adaptés de formats étrangers. La société Orange est ici en cause pour ses activités de commercialisation des abonnements multi-services comprenant un accès à internet, un accès à la téléphonie et un accès à la télévision. Les parties se sont accordées à définir le format de jeux comme consistant en une sorte de mode d’emploi qui décrit le déroulement formel du jeu afin de servir de base au jeu télévisuel qui en sera tiré.

En 2015, la SAJE a assigné en contrefaçon la société Orange, demandant sa condamnation au paiement de la somme de plus de 11 millions d’euros pour la période courant entre mars 2012 et décembre 2013 à laquelle s’ajoute la somme mensuelle des 550 000 € à compter de janvier 2014, en réparation du préjudice subi de l’exploitation, sans autorisation, des œuvres dont elle avait la gestion. En première instance, le tribunal de Paris déclaré irrecevables les demandes de la SAJE faute, d’une part, d’établir le caractère protégeable des formats de jeux et, d’autre part, de justifier de la réalité des apports par ses adhérents (TGI Paris, 1er juin 2017). En appel, sur le terrain de la recevabilité de l’action, la cour de Paris a considéré que la SAJE ne justifiait pas que les droits qu’elles défendaient lui avaient été effectivement et régulièrement apportés par ses membres adhérents (Paris, 30 nov. 2018, n° 17/14128).

La Cour de cassation rejette le pourvoi contre cet arrêt et valide l’analyse des juges du fond. En effet, la cour relevait que le droit de retransmission secondaire des formats de jeux incorporés dans les œuvres audiovisuelles en cause, qui était revendiqué par la SAJE, était susceptible de faire l’objet de la présomption de cession des droits exclusifs d’exploitation de l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle au bénéfice du producteur d’une oeuvre audiovisuelle (sur la portée de cette présomption, V. Soc. 3 mars 2004, n° 01-46.619, D. 2004. 2494 , note J.-L. Piotraut et P.-J. Dechristé ; RTD com. 2004. 726, obs. F. Pollaud-Dulian ; JCP 2005. 1216, no 6, obs. Bougerol ; Propr. intell. 2004, no 13, p. 917, obs. A. Lucas ; CJUE 9 févr. 2012, aff. C-277/10, D. 2012. 2836, obs. P. Sirinelli ; Légipresse 2012. 283 et les obs. ; RTD com. 2012. 318, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2012. 964, obs. E. Treppoz ; CCE 2012, no 37, note Caron ; RIDA avr. 2012, p. 381, note Sirinelli). Et constatant que la SAJE n’apportait pas la preuve que ces droits n’avaient pas été cédés, elle ne pouvait être considérée comme recevable pour agir en contrefaçon.