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Recours devant la Cour d’appel de Paris contre les décisions de l’Autorité de la concurrence : brevet de conventionnalité pour l’article R. 464-13 du code de commerce

L’obligation de notification à l’Autorité de la concurrence d’une copie de la déclaration de recours dans le délai de cinq jours qui suivent son dépôt au greffe de la Cour d’appel de Paris, prévue à l’article R. 464-13 du code de commerce à peine de caducité relevée d’office, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’absence de circonstance particulière étrangère à l’auteur du recours qui l’aurait mis dans l’impossibilité de procéder à cette notification.

À la Cour de cassation, il est rare qu’une formation plénière de chambre soit réunie, un cran au-dessus de la formation de section. On dénombre tout juste quatre arrêts de cet ordre pour l’année 2025 à l’heure où ces lignes sont écrites. Le présent arrêt fait partie de cette short list et constitue la première décision rendue en pareille formation par la chambre commerciale depuis le 18 octobre 2023 (Com. 18 oct. 2023, n° 20-21.579).

Plusieurs raisons peuvent justifier la réunion d’une plénière de chambre. L’une d’elles tient à la complexité ou à la sensibilité de la question de droit posée par le pourvoi. Sans doute était-ce donc la formation appropriée pour délivrer un brevet de conventionalité à l’article R. 464-13 du code de commerce au regard du droit à un procès équitable.

L’affaire

L’Autorité de la concurrence a, par une décision n° 22-D-04 du 2 février 2022, infligé à diverses sociétés une sanction pécuniaire au titre de pratiques prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce. Le 18 mars 2022, ces sociétés ont, par le truchement de leur avocat, déposé au greffe de la Cour d’appel de Paris une déclaration de recours. Le 25 mars 2022, elles ont, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, notifié cette déclaration de recours à l’Autorité de la concurrence.

La Cour d’appel de Paris a déclaré le recours caduc sur le fondement de l’article R. 464-13 du code de commerce, aux termes duquel :

« Dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la déclaration et à peine de caducité de cette dernière relevée d’office, le demandeur en adresse une copie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, d’une part, aux parties auxquelles la décision de l’Autorité de la concurrence a été notifiée, mentionnées en annexe de la lettre de notification prévue au deuxième alinéa de l’article R. 464-30, et d’autre part, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie. Dans le même délai et sous la même sanction, il justifie auprès du greffe de ces notifications. »

Le raisonnement du juge d’appel parisien est élémentaire : le point de départ dudit délai de notification est le dépôt de la déclaration ; celui-ci est intervenu le 18 mars 2022 ; le délai pour notifier expirait donc le 23 mars 2022. La notification à l’Autorité intervenue le 25 mars 2022 est donc tardive et la caducité du recours d’office relevée.

Les sociétés recourantes se pourvoient en cassation et formulent un unique moyen dont seule la première branche est digne d’intérêt : elles contestent en substance la conventionalité de l’article R. 464-13 du code de commerce au regard de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. La charge est frontale : « l’obligation de notifier à l’Autorité la déclaration de recours dans les cinq jours du dépôt de la déclaration a pour seul but d’informer l’Autorité de l’existence d’un recours mais n’a évidemment pas pour objet de favoriser, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la célérité d’un éventuel recours incident puisque l’Autorité ne peut pas former un recours contre sa propre décision » ; « en sanctionnant la méconnaissance de ce délai par la caducité relevée d’office du recours, l’article R. 464-13 du code de commerce a donc prévu une limitation au droit d’accès à un tribunal totalement disproportionnée au but recherché par ce texte, but qui n’a rien de particulièrement impérieux ».

Les sociétés requérantes font ensuite le lien avec leur cas concret : « en faisant pourtant, en l’espèce, application de ce texte pour déclarer caduc le...

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