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Recours à l’appréciation objective de l’impartialité personnelle des juges

La conduite du président d’une cour d’assises appelé à se prononcer sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale peut faire naître des doutes quant à son impartialité objective qui, lorsqu’ils sont objectivement justifiés, peuvent remettre en cause l’impartialité de la juridiction elle-même.

par Elodie Delacourele 15 septembre 2021

Particulièrement marquée par la diversité des cas de figure pouvant être rencontrée en pratique, l’impartialité des juges n’a pas terminé d’être mise en lumière dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ce maquis jurisprudentiel, l’arrêt Karrar c/ Belgique a le mérite de faire un point sur les différentes acceptions et démarches d’appréciation de cette notion autonome qui constitue la pierre angulaire du droit à un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour rappel, l’impartialité est une vertu visant à prémunir le justiciable contre les risques de préjugement ou de parti pris des juges (F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 4e éd., Économica, coll. « Corpus - Droit privé », 2015, n° 317, p. 214). Elle constitue ainsi « un verrou singulier d’une démarche objective et désintéressée » (N. Commaret, Une juste distance ou réflexions sur l’impartialité du magistrat, D. 1998. 262 ). De cette définition, la Cour européenne des droits de l’homme a façonné deux conceptions au prisme de l’article 6, § 1, de la Convention en fonction des circonstances fonctionnelles ou personnelles (CEDH 1er oct. 1982, Piersack c/ Belgique, n° 8692/79). D’une part, l’impartialité dite fonctionnelle se rapporte à la connaissance du juge à propos de l’affaire ou des protagonistes. Dans ce cadre, il s’agira d’apprécier si le juge a pu, à l’occasion de différentes fonctions et dans le cadre d’une même affaire, se forger un préjugé (CEDH 26 oct. 1984, De Cubber c/ Belgique, n° 9186/80). D’autre part, et c’est cette conception qui est au cœur de l’arrêt rendu, l’impartialité dite personnelle repose sur l’attitude du magistrat ou encore sur ses liens ou relations personnelles de nature à faire suspecter de son impartialité. Bien souvent, cette dimension personnelle est assimilée à l’impartialité subjective. Or, ces deux notions se distinguent car l’impartialité personnelle peut se présenter sous un aspect subjectif mais également objectif. C’est d’ailleurs cette dualité de démarche que l’arrêt Karrar c/ Belgique permet de rappeler par son éclairante précision. Mais la singularité de cet arrêt réside surtout dans son choix de sanctionner le défaut d’impartialité dans sa dimension objective démontrant ainsi sa volonté d’assurer un contrôle plus protecteur et garantiste des droits et libertés.

En l’espèce, M. Karrar, ressortissant Belge, fut condamné le 9 décembre 2015 par la cour d’assises de Liège à une peine de réclusion à perpétuité pour l’assassinat de ses deux enfants en 2013. Par une lettre du 10 mars 2016, la mère des enfants, qui s’était constituée partie civile au procès, lui fit savoir qu’au cours de la semaine précédant l’ouverture du procès, le président de la cour d’assises appelé à connaître l’affaire l’avait contactée dans le but d’effectuer une visite informelle à son domicile. Elle lui précisait qu’à l’occasion de leur rencontre, il lui avait exprimé sa compassion. Sur le fondement de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, M. Karrar déposa une requête devant la Cour de cassation pour prise à partie du président de la cour d’assises. Dans son mémoire, le président de la cour d’assises affirmait que les sessions d’assises qu’il préside incluent fréquemment les visites...

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