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La rectification de l’identité de genre ne peut être conditionnée à un traitement chirurgical

La Cour de justice de l’Union européenne rappelle que le droit de rectifier l’identité de genre, donnée personnelle, est protégé par l’Union. Cette rectification, qui peut impliquer une exigence de preuve, ne saurait être soumise à un traitement chirurgical de réassignation sexuelle.

Un État peut-il subordonner la rectification, sur un registre public, de l’identité de genre d’une personne à la preuve d’une opération chirurgicale ?

À l’occasion de la demande de décision préjudicielle posée par la Cour de Budapest (Hongrie) au sujet d’un registre public (le registre national relatif à l’asile), la Cour de justice de l’Union a, dans une décision du 13 mars 2025, répondu négativement.

Trente-trois ans après le constat, par la Cour européenne de droits de l’homme, de ce que la fréquence de la mention du sexe sur les documents dans un contexte où il est impossible d’en changer constituait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée (CEDH 25 mars 1992, B c/ France, n° 13343/87, AJDA 1992. 416, chron. J.-F. Flauss ; D. 1993. 101 , note J.-P. Marguénaud ; ibid. 1992. 323, chron. C. Lombois ; ibid. 325, obs. J.-F. Renucci ; RTD civ. 1992. 540, obs. J. Hauser ), la CJUE vient, par deux arrêts, s’inscrire dans son sillage en affirmant, le 9 janvier dernier (CJUE 9 janv. 2025, Mousse c/ CNIL et SNCF Connect, aff. C‑394/23, Dalloz actualité, 16 janv. 2025, obs. E. Maupin ; AJDA 2025. 64 ; ibid. 334, chron. P. Bonneville, A. Iljic, E. Lepka et E. Briançon ; D. 2025. 56 ; AJ fam. 2025. 69, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; AJCT 2025. 69, tribune O. Bui-Xuan ; RDT 2025. 180, chron. M. Mercat-Bruns ; Dalloz IP/IT 2025. 70, obs. Shanaz Kessaci ; JT 2025, n° 282, p. 10, obs. X. Delpech ), qu’au-delà de la question du changement, le recueil obligatoire de la mention du sexe (ici, par une entreprise commerciale) devait être justifié car il pouvait porter atteinte à la vie privée et, de l’autre, désormais, le droit de l’Union garantit non seulement la possibilité de faire rectifier cette donnée des registres publics, mais que cette rectification doit s’effectuer dans le respect des droits fondamentaux.

Cinq mois après l’arrêt Mirin contraignant les États membres qui ne reconnaissent pas le changement de prénom et d’identité de genre à y procéder lorsqu’un tel changement est légalement acquis dans un autre État membre (CJUE 4 oct. 2024, aff. C-4/23, AJDA 2024. 1893 ; D. 2025. 93 , note B. Haftel ; ibid. 2024. 2067, point de vue B. Moron-Puech ; ibid. 2025. 98, note H. Gaudin et L. Pailler ; RTD civ. 2024. 861, obs. F. Marchadier ) ; deux mois après l’arrêt Mousse, par lequel la Cour de justice traduisait le principe de minimisation des données personnelles par l’exigence de limitation et de justification des données relatives au sexe ; la Cour s’affirme de nouveau comme gardienne du droit à la vie privée.

VP, de nationalité iranienne, a obtenu le statut de réfugié en Hongrie en 2014 et avait notamment motivé sa demande par sa transidentité, laquelle était attestée par des médecins psychiatres et gynécologues (§ 15). Malgré la reconnaissance de son statut de réfugié sur ce fondement, c’est en tant que femme (son sexe déclaré à la naissance) que VP a été enregistré sur les registres. Il a dès lors demandé, en produisant les mêmes attestations, à faire rectifier cette mention ainsi que son prénom dans le registre de l’asile, sur le fondement de l’article 16 du règlement (UE) 2016/679  du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (le RGPD) en vertu duquel « la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes ».

Sa requête a été rejetée au motif qu’il n’aurait pas prouvé avoir subi de traitement chirurgical de réassignation sexuelle et que les attestations fournies ne prouvaient pas sa transidentité. Il a alors formé un recours en annulation en arguant notamment de la contrariété de cette exigence avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de plusieurs principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La juridiction saisie décide de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne trois questions : celle de savoir si l’autorité chargée de la tenue des registres doit rectifier les données relatives au genre lorsque celles-ci ont changé, et, dans une telle configuration, si des preuves peuvent être exigées et notamment un traitement chirurgical de réassignation sexuelle.

Les questions portent ainsi tant sur l’interprétation de l’article 16 du RGPD consacré au droit de rectification que sur celle de l’article 23 relatif aux limitations à ce droit et de l’article 5 relatif à l’exactitude des mentions. La Cour par cette décision affirme de nouveau le caractère fondamental du droit au respect de la vie privée en matière de données personnelles.

Après avoir répondu à la première question, elle joint...

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