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Redressement judiciaire : l’embauche d’un salarié pendant la période d’observation n’est pas un acte étranger à la gestion courante !

Le débiteur a le pouvoir d’embaucher un salarié, sans l’autorisation ni du juge-commissaire, ni de quiconque, cet acte ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante.

Seuls les actes accomplis au cours de la période suspecte entre la date de cessation des paiements et la date de ce jugement d’ouverture peuvent être annulés, et non ceux que le débiteur aurait passés postérieurement à ce jugement.

L’embauche d’un salarié pendant la période d’observation n’est pas un acte étranger à la gestion courante ! L’affirmation surprendra, voire décevra ceux qui étaient attachés à la jurisprudence, quasi constante jusqu’à cet arrêt refusant de qualifier le contrat de travail conclu pendant la période d’observation d’acte de gestion courante. Et ce n’est pas le seul enseignement de cet arrêt.

L’affaire opposait le liquidateur judiciaire d’une association à un salarié de celle-ci.

Après avoir été mise en redressement judiciaire, l’association a signé un avenant au contrat de travail confiant à ce salarié une mission complémentaire de développer le chiffre d’affaires de l’association. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire et le liquidateur a licencié le salarié pour motif économique. Ce dernier a saisi la juridiction prud’homale pour voir fixer au passif de l’association une créance de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d’affaires et diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail. C’est la nullité de l’avenant que lui a opposée la Cour d’appel de Riom pour rejeter l’ensemble de ces demandes, nullité qu’elle justifie dans un premier temps par l’application de l’article L. 632-1 du code de commerce, qualifiant l’avenant de contrat commutatif déséquilibré, puis au regard des règles gouvernant la gestion de l’entreprise pendant la période d’observation, l’avenant étant, selon les juges d’appel, subordonné à « l’autorisation du mandataire judiciaire ». Le pourvoi formé par le salarié est accueilli avec succès et l’avenant au contrat de travail ressort indemne, lavé de tout soupçon de nullité par la chambre sociale : il n’a pas été passé pendant la période suspecte et n’est pas un acte étranger à la gestion courante.

Le contrat de travail, fut-il déséquilibré, n’est pas nul faute d’avoir été conclu pendant la période suspecte

Le raisonnement suivi par la chambre sociale pour censurer l’arrêt d’appel mérite d’être salué tant la démonstration est logique. Les juges riomois, pour débouter le salarié de sa demande, ont annulé l’avenant sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1, I, 1°, et 2°, du code de commerce, constatant l’existence d’obligations disproportionnées entre l’association et le salarié. Au contraire pour la Cour, le texte n’était pas applicable, l’avenant ayant été conclu après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

La nullité de l’avenant ne peut être prononcée que s’il a été conclu après la date de cessation des paiements

La nullité prévue par l’article L. 632-1 du code de commerce touche les actes énumérés « lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements ».

Ce sont ceux-là dont aurait dû s’abstenir le débiteur du jour où son actif disponible ne couvrait plus son passif exigible. Selon les juges d’appel, la nullité de l’avenant était fondée sur l’article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce qui vise tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie.

La jurisprudence a déjà eu l’occasion d’appliquer ce texte à des contrats de travail notablement déséquilibrés au détriment de l’employeur en proposant une interprétation qui n’est pas toujours conforme à sa lettre. Alors que le déséquilibre doit s’apprécier en comparant les obligations de chacune des parties, salaire d’un côté et prestation de travail de l’autre, on a pu recenser plusieurs décisions concluant à l’existence d’une disproportion en comparant le montant du salaire et les difficultés financières que rencontrait l’employeur au même moment. Si l’annulation du contrat de travail d’un responsable administratif qui n’a pas donné lieu à de véritables prestations de travail pour un salaire de 4 000 € par mois doit être approuvée (Soc. 12 sept. 2012, n° 11-20.108, RTD com. 2013. 593, obs. A. Martin-Serf   ; Paris 28 janv. 2021, n° 19/05834), elle nous semble critiquable lorsqu’elle atteint un contrat dans lequel les obligations sont considérées comme nécessairement...

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