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Référé pénal environnemental : l’application des principes directeurs du procès pénal en question

Les principes directeurs du procès pénal, tels que le droit de se taire et d’en recevoir notification, ne bénéficient pas à la personne concernée par le référé environnemental. Toutefois, il existe une exception à ce principe : lorsque la personne concernée par le référé est déjà impliquée dans une affaire concernant les mêmes faits.

Il n’a pas fallu longtemps pour que le référé pénal environnemental soit rattrapé par la question controversée des droits de la défense.

À l’origine du débat se situe l’audition préalable devant le juge des libertés et de la détention (JLD), en amont de toute décision sur les mesures de précaution contre une situation à risque pour l’environnement, prévue au troisième alinéa de l’article L. 216-13 du code de l’environnement. L’hypothèse en question est la même que celle entourant la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC ; L. Rousseau et N. Nabih, Les dérives néfastes du mécanisme de la convention judiciaire d’intérêt public, Dalloz actualité, 16 mai 2022 ; M. Boissavy et M.-A. Frison-Roche, Compliance et droits de la défense, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2024) : la discussion sur les faits à l’origine de la situation illicite avec le JLD pourrait compromettre « pénalement » la personne auditionnée, ou l’organisme privé comme public qu’elle représente ou gère. En effet, si, de toute évidence, cette audition n’a pas pour objectif d’analyser en profondeur les faits, des échanges avec la personne concernée sur les méthodes et les problèmes de gouvernance de l’organisme pourront sans doute s’engager. L’exposition des faits en lien avec les mesures utiles à prendre pourra varier en fonction de la sensibilité environnementale comme de la spécialisation du JLD et surtout du dossier présenté. Néanmoins, la nature de ces débats relève entièrement de la souveraineté du JLD.

Le 28 janvier 2025, la chambre criminelle devait donc juger de ces difficultés. En l’espèce, la personne concernée, qui devait être entendue par le JLD en vue que ce dernier ordonne toutes mesures utiles, avait déjà été entendue sur des faits pour lesquels était suspecté, dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’organisme qu’elle représentait. Après le constat d’une utilisation, lors d’un chantier confié à un syndicat mixte d’aménagement du territoire, de matériaux impropres à la recharge granulométrique d’un ruisseau, à l’origine d’une pollution, une enquête préliminaire avait été ouverte par le procureur de la République. Ce n’est qu’ultérieurement que le JLD avait été saisi par ce dernier d’un référé et ordonnait au président du syndicat la suspension des opérations, l’interdiction du dépôt et du déversement de déchets dans le lit du cours d’eau et une mesure de remise en état, après l’avoir entendu. À la suite de l’appel de ce dernier, la chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance du JLD.

Pourvoi était formé le 1er février 2024 sur la base de l’absence de notification du droit de se taire, préalablement à son audition devant le JLD, de la personne concernée déjà suspectée dans le cadre d’une enquête préliminaire sur les mêmes faits. Les conseils du requérant critiquaient sur ce point subsidiairement l’imprécision de la lettre de l’article L. 216-13 du code de l’environnement ne prévoyant pas l’obligation de notifier ce droit, méconnaissant ainsi les exigences de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en formant une QPC, que par un arrêt du 3 septembre 2024, la Cour de cassation renvoyait au Conseil constitutionnel (Crim. 3 sept. 2024, n° 24-81.410).

Dans une décision du 15 novembre 2024, le Conseil constitutionnel résistait à la tentation d’assimiler le référé environnemental à une procédure pénale de droit commun, en particulier à une voie de poursuite pénale, en déclarant la conformité du dispositif (Cons. const. 15 nov. 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre, n° 2024-1111 QPC, Dalloz actualité, 4 déc. 2024, obs. P. Dufourq ; AJDA 2024. 2146 ; D. 2024. 2012 ). Cela dit, il ne négligeait pas de considérer la possibilité d’une remise en cause de la temporalité spécifique du référé environnemental – qui en règle générale sera envisagé en urgence, dans l’idéal avant l’ouverture d’une enquête sur les faits reprochés. En vertu de la loi, le procureur peut saisir le JLD d’un référé environnemental à tout moment, en complément ou en parallèle d’une procédure en cours sur les mêmes faits litigieux. L’absence de délai pour recourir au référé est cohérente et tient compte de l’évolution possible des risques d’une situation au long de la procédure. Néanmoins, le législateur ne spécifie pas comment le référé doit être articulé avec l’enquête, l’instruction, voire le jugement. Le Conseil constitutionnel jugera alors bon de formuler une réserve d’interprétation (Cons. const. 15 nov. 2024, n° 2024-1111 QPC, préc., § 10), précisant que le JLD ne...

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