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La réforme constitutionnelle de nouveau en marche ?

Le gouvernement a remis sur l’ouvrage son projet de réforme des institutions. Les nouveaux textes prévoient moins de parlementaires, plus de proportionnelle ou encore une réforme du référendum d’initiative partagée. Mais de sérieuses incertitudes pèsent sur son inscription à l’agenda parlementaire.

par Emmanuelle Maupinle 3 septembre 2019

Un an après l’arrêt des débats à l’Assemblée nationale, suite à « l’affaire Benalla », Nicole Belloubet, ministre de la justice, et Christophe Castaner, ministre de l’intérieur, ont présenté, en conseil des ministres le 28 août, les trois nouveaux projets de loi (constitutionnelle, organique et ordinaire) pour un renouveau de la vie démocratique. Ces textes reprennent de nombreuses dispositions des trois projets de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace présentés en 2018 (v., Réforme des institutions, acte I, AJDA 2018. 942 ; Réforme des institutions : acte II, AJDA 2018. 1008 ).

Ainsi, le projet de loi constitutionnelle repose sur trois piliers. Un nouveau titre sur la participation citoyenne serait inséré dans la Constitution. L’article 11 serait modifié pour élargir le champ du référendum à l’organisation des pouvoirs publics territoriaux et aux questions de société. Une nouvelle institution, le Conseil de la participation citoyenne serait créée en remplacement du Conseil économique, social et environnemental. Cette instance serait chargée d’organiser les débats et de donner son avis sur les projets de loi en matière économique et sociale, de recueillir et de transmettre les pétitions. Le référendum d’initiative partagé serait inséré dans ce nouveau titre. Son champ thématique serait élargi et ses conditions de mise en œuvre facilitées : le nombre de soutiens d’électeurs passerait de un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit près de 4,7 millions d’électeurs, à un million. De plus, le projet de loi abaisse d’un cinquième à un dixième des membres du Parlement le nombre des députés et sénateurs exigés pour engager le processus.

Une nouvelle phase de la décentralisation

Le projet de loi entend donner plus de responsabilités et de libertés aux territoires. Comme celui de 2018, il prévoit d’introduire le principe d’un droit à la différenciation territoriale dans la Constitution. Les spécificités de la Corse seraient mentionnées dans un nouvel article 72-5. Le dernier pilier concerne la justice. Il inclut la suppression de la disposition selon laquelle les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel. En conséquence de la diminution du nombre de parlementaires contenue dans le projet de loi organique, le seuil de saisine du Conseil constitutionnel passerait de soixante à quarante-cinq députés ou quarante sénateurs. La Cour de justice de la République serait supprimée et les poursuites contre les ministres confiées à la cour d’appel de Paris après filtrage. Afin d’accroitre l’indépendance statutaire des membres du parquet, le texte prévoit leur nomination sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Enfin, la préservation de l’environnement et la protection de la biodiversité figureraient à l’article 1er de la Constitution, tout comme le service national universel à l’article 34.

87 députés élus à la proportionnelle

Les projets de loi organique et ordinaire répondent eux aussi à trois objectifs. Afin de renforcer la qualité du travail parlementaire, le nombre des élus pourrait être réduit de 25 %, contre 30 % dans le précédent texte. Le nombre de députés passerait, à compter du prochain renouvellement, de 577 à 433 et celui des sénateurs de 348 à 261. Le projet de loi organique prévoit un renouvellement intégral, mais exceptionnel, du Sénat en 2021.

Point de crispation entre l’exécutif et le président du Sénat, l’introduction d’une « dose de proportionnelle » a été maintenue. Ainsi, parmi les 433 députés 87 seraient élus, soit 20 % (15 % dans les projets de 2018) au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, les autres restant désignés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. En pratique, le scrutin proportionnel aurait lieu le même jour que le premier tour du scrutin uninominal majoritaire, chaque électeur disposant pour voter de deux bulletins, le premier pour le député de sa circonscription, le second pour une liste nationale.

Le renouvellement de la vie politique passe par l’introduction de dispositions limitant le cumul des mandats dans le temps. Les parlementaires et les fonctions exécutives locales, à l’exception des maires des communes de moins de 9 000 habitants et des fonctions exécutives des établissements publics de moins de 25 000 habitants, ne pourraient pas cumuler quatre mandats successifs. L’objectif est ainsi d’éviter une excessive professionnalisation de la vie politique. Cette mesure de limitation concernerait 3 % des maires et 48 % des présidents d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Enfin, le projet de loi organique crée, s’agissant du référendum d’initiative partagée, des règles de caducité opposables aux initiatives introduites par un cinquième des membres du Parlement dont l’objet serait identique ou contraire à celui d’une loi ultérieurement promulguée (cas du « référendum ADP). Il confie au Conseil constitutionnel la tâche de constater la caducité de l’initiative et de mettre un terme à la procédure de recueil des soutiens le cas échéant.

Le calendrier d’examen par le Parlement n’est pas encore fixé. La garde des Sceaux a indiqué lors de la présentation des textes à l’issue du conseil des ministres qu’il ne semble pas « utile d’inscrire le texte à l’agenda tant que nous ne sommes pas certains d’obtenir un accord global préalable du Sénat et de l’Assemblée nationale ».