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Article
Réforme de l’adoption : premières vues sur l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022 - la forme au service du fond
Réforme de l’adoption : premières vues sur l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022 - la forme au service du fond
Résultant d’un « important travail de consultations, réalisé tant auprès des professionnels du droit […] (magistrats, avocats, notaires, universitaires) que des associations représentatives de l’adoption »1, une ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022 prise en application de l’article 18 de la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption2, a été publiée au Journal officiel3, aux côtés d’un rapport adressé au président de la République4.
par Jérémy Houssier, Professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardennele 14 octobre 2022
Origines
Comme chacun s’en souvient, l’article 18 de la loi de février 2022 avait surpris par son contenu, en habilitant le gouvernement – l’encre de la loi à peine sèche – « à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de huit mois […], toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du Code civil et du code de l’action sociale et des familles en matière d’adoption, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de tutelle des pupilles de l’État et de tutelle des mineurs, dans le but : 1° De tirer les conséquences, sur l’organisation formelle du titre VIII du livre Ier du code civil, de la revalorisation de l’adoption simple réalisée par la présente loi et de la spécificité de l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple ; [et] 2° D’harmoniser ces dispositions sur un plan sémantique [et] assurer une meilleure coordination entre elles »5. Autrement dit, et certainement conscients de l’inachèvement de leur œuvre, les députés avaient donc « habilité le gouvernement à moderniser, sans changement des règles de fond, la structuration du titre VIII du livre Ier du code civil [et à] coordonner et à harmoniser les dispositions [de ce code avec celles] du code de l’action sociale et des familles »6 ; et ce dans le dessein de corriger les errements d’un recours regrettable à une procédure accélérée, à l’origine de malfaçons de la loi.
Originalité
À l’arrivée, l’ordonnance propose donc, comme le précise le rapport, « une refonte purement formelle et à droit constant »7 des dispositions relatives à l’adoption. Point de nouveauté de fond, mais des nouveautés de forme qui, selon le garde des Sceaux, faciliteront le travail des praticiens en leur permettant de prendre connaissance du régime juridique des différentes formes d’adoptions de manière plus simple et plus claire8. Et l’on avouera partager ce point de vue, tant l’ordonnance améliore la lettre et l’esprit du titre VIII du livre Ier du code civil, et peut-être même le fond.
L’esprit
Un nouveau plan
S’inscrivant dans la droite ligne de l’habilitation donnée au gouvernement de réagencer « l’organisation formelle du titre VIII du livre Ier du code civil », l’ordonnance livre sur ce point un nouveau plan, à la fois plus clair et plus cohérent et, finalement, tout à fait pertinent.
En premier lieu, l’ancienne division tripartite du titre VIII, opposant l’adoption plénière (chap. Ier), l’adoption simple (chap. II) et les conflits de lois et l’effet en France des adoptions prononcées à l’étranger (chap. III), est délaissée au profit d’une nouvelle division chronologique et thématique de ces subdivisions.
Chronologiquement, d’une part, les trois premiers chapitres du titre VIII traitent désormais des conditions requises pour l’adoption (chap. Ier), de la procédure et du jugement d’adoption (chap. II) et des effets de l’adoption (chap. III), suivant en cela les étapes du processus d’adoption (sur le modèle, d’ailleurs, de l’ancien chap. Ier). Dans le détail, le nouveau chapitre Ier traite tour à tour de l’adoptant (sect. 1), de l’adopté (sect. 2), des rapports entre l’adoptant et l’adopté (sect. 3) et du consentement à l’adoption (sect. 4), dans une succession de textes opportunément repensée. Le chapitre 2 s’intéresse ensuite, et sur le même modèle, au placement en vue de l’adoption (sect. 1), à l’agrément (sect. 2) et au jugement d’adoption (sect. 3). Quant au chapitre III, celui-ci oppose, quant aux effets de l’adoption, les dispositions communes aux deux formes d’adoption (sect. 1), celles propres à l’adoption plénière (sect. 2) et celles propres à l’adoption simple (sect. 3). Comme le relève le garde des Sceaux, « le régime de l’adoption simple fait [donc] l’objet de dispositions propres, alors que le code civil procédait jusque-là par simple renvoi aux dispositions applicables à l’adoption plénière »9, ce dont chacun se félicitera.
Thématiquement, d’autre part, deux chapitres traitant de deux cas particuliers succèdent ensuite à ces trois premiers chapitres épousant le processus d’adoption : le chapitre IV relatif à l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple, dont les dispositions sont désormais réunies dans une seule et même subdivision, selon les vœux de l’article 18 de la loi du 22 février 2022 ; et le chapitre V relatif à l’adoption internationale, aux conflits de lois et à l’effet en France des adoptions prononcées à l’étranger, reprenant peu ou prou le contenu de l’ancien chapitre III de l’ancien titre VIII. L’intitulé de ce dernier chapitre se précise cependant par rapport à sa précédente version, dans la mesure où « l’adoption internationale » – dont une définition (discutée)10 est donnée – est désormais visée.
En définitive, ressort donc de ce nouveau plan, directement inspiré du rapport Théry-Leroyer11, une réelle impression de clarté et de cohérence, les améliorations résultant surtout de l’abandon de la méthode du renvoi pour l’adoption simple, grâce à la création d’un tronc commun à destination des deux formes d’adoption, mais aussi de la création de sections opportunément agencées et ciselées dans leurs intitulés, et de la création d’un chapitre consacré à l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple, seule apte à « traduire l’importance croissante de ce type d’adoption [correspondant] à plus de la moitié des adoptions prononcées en France »12, comme le relève là aussi le garde des Sceaux13. Mais au-delà de ce plan, l’ordre même des dispositions internes à ces différentes subdivisions gagne en intelligibilité, grâce à la création, au démembrement ou au remembrement de certains articles.
Un nouvel ordre
De façon fort opportune, l’ordonnance procède à plusieurs modifications d’articles du titre VIII du livre Ier du code civil, non seulement dans leur lettre (v. infra), mais aussi dans leur structuration.
Première illustration, celle de l’ancien article 360. Avant l’ordonnance, ce texte traitait à la fois de l’âge de l’adopté (al. 1er), des cas d’adoptions successives extraconjugales et intraconjugales (al. 2, 3), et de la nécessité du consentement de l’adopté à sa propre adoption au-delà de ses 13 ans (al. 4). En un seul et même texte, trois problématiques différentes étaient donc réunies sans réelle pertinence, ce que corrige catégoriquement l’ordonnance. L’ancien alinéa 1er est ainsi inséré dans nouvel article 345-1 limité à la condition d’âge de l’adopté ; l’ancien alinéa 2 dans un nouvel article 345-2 dédié aux cas d’adoptions successives ; l’ancien alinéa 3 dans le nouveau chapitre IV du titre VIII relatif à l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple (C. civ., art. 370-1-6 nouv.) ; et l’ancien alinéa 4 dans le nouvel article 349, alinéa 1er, codifié dans la section 4 du chapitre Ier du titre VIII,...
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