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Réforme de la procédure civile : pas de répit pour les praticiens

Un décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions a été publié au Journal officiel du 28 novembre 2020. Regard du praticien sur ces nouvelles dispositions.

Publié moins d’un mois avant l’entrée en vigueur de ses principales dispositions, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a laissé les praticiens dans la perplexité. La grève du barreau, puis la période de confinement résultant de la crise sanitaire ont permis de ménager une période d’adaptation indispensable pour analyser et surtout interpréter ces nouveaux textes.

Ne restait en suspens que la seule question de « l’assignation à date » pour la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire (TJ), en pratique celle normalement conduite devant le juge de la mise en état. Le dispositif de prise de date n’étant pas prêt, l’article 55, III, du décret maintenait, jusqu’au 1er septembre 2020, les anciennes dispositions du code de procédure civile qui régissaient la procédure écrite devant le tribunal de grande instance. À un mois de l’échéance, le décret n° 2020-950 du 30 juillet 2020 reportait celle-ci au 1er janvier 2021.

C’est à nouveau à un mois de cette nouvelle échéance que les praticiens, qu’ils soient magistrats, greffiers, huissiers ou avocats viennent de découvrir le nouveau décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.

La surprise vient de l’article 1er de ce texte. Il énumère trente-trois points de modification du code de procédure civile. Un seul concerne l’assignation à date pour laquelle un nouveau mécanisme est prévu. Il sera complété par un arrêté du garde des Sceaux. Sans attendre ce dernier texte, il est urgent pour les praticiens d’appréhender ce nouveau décret s’agissant des nouvelles modifications qu’il apporte à la procédure civile.

L’assignation devant le TJ avec représentation obligatoire par avocat (RO)

Est définitivement supprimée l’obligation, prévue à peine de nullité, de mentionner, dans la demande, « les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat ».

On se souvient de l’émoi des avocats qui n’entendaient nullement divulguer leur numéro de téléphone mobile au point d’engager un recours (CE, réf., ord., 30 déc. 2019, req. n° 436941, consid. n° 5, Dalloz actualité, 8 janv. 2020, art. T. Coustet ; D. avocats 2020. 48, étude E. Raskin et Roy Spitz ). La chancellerie avait admis que cette prescription qui aujourd’hui disparaît définitivement ne concernait, en réalité, que les futures procédures en ligne (C. pr. civ., art. 54 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 1°).

Les autres mentions, déjà requises dans les assignations, restent inchangées.

On notera que l’obligation, à peine de nullité, de mentionner « l’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire » bascule de l’article 54 à l’article 56 du code de procédure civile (C. pr. civ., art. 54 et 56 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 1° et 2°).

En matière de représentation obligatoire par avocat, l’assignation doit contenir, également à peine de nullité, la constitution de l’avocat du demandeur ainsi que le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat (C. pr. civ., art. 752). L’article 763 du code de procédure civile impose au défendeur de constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l’assignation. Le décret complète cet article : « Toutefois, si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience » (C. pr. civ., art. 763 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 10°).

Une première lecture ne permet pas de comprendre l’utilité d’une telle disposition. Il va de soi que le défendeur ne peut jamais se constituer avant d’avoir été destinataire d’une assignation. Aucune sanction n’est prévue en cas de constitution tardive si ce n’est le risque d’être déclaré défaillant. En pratique, l’assignation peut être délivrée dans un délai inférieur à quinze jours. C’est l’hypothèse de l’urgence. Le juge peut alors autoriser une réduction des délais de remise de l’assignation mais aussi de « comparution » (C. pr. civ., art. 755).

En réalité, une seconde lecture du texte, une fois la totalité du décret analysée, est de nature à nous éclairer. Nous verrons qu’il peut exister une nouvelle hypothèse dans laquelle l’assignation est susceptible d’être délivrée dans un délai inférieur à quinze jours. Le défendeur pourra donc constituer avocat jusqu’à l’audience et sans pouvoir arguer de ce qu’il n’a pu bénéficier du délai de quinzaine. En d’autres termes, le juge pourra retenir l’affaire si le défendeur n’a pas constitué avocat à l’audience. Reste à savoir comment cette règle se combinera avec les délais de distance (C. pr. civ., art. 643 et 644).

En pratique, les assignations en matière de procédure avec représentation obligatoire par avocat pourront donc être utilement complétées par la mention suivante : « Dans un délai de QUINZE JOURS, à compter de la date du présent acte, vous êtes tenu(es) de constituer avocat pour être représenté(es) devant ce tribunal. Toutefois, si l’assignation vous est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, vous pouvez constituer avocat jusqu’à l’audience. »

(Suivent les autres mentions…)

Le nouveau casse-tête de la prise de date devant le TJ

L’article 751 actuel du code de procédure civile énonce : « La demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par tout moyen au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux. »

Jusqu’à présent, la mention « par tout moyen » a permis de pallier l’absence d’arrêté du garde des Sceaux. Suivant les pratiques des juridictions, la date pour assigner a pu être utilement connue, soit par téléphone ou courrier électronique, soit par la consultation des tableaux d’audience, soit à la suite d’une demande écrite.

Le nouvel article 751 est ainsi rédigé (C. pr. civ., art. 751 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 6°) : « La demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par le greffe au demandeur sur présentation du projet d’assignation. Un arrêté du garde des Sceaux détermine les modalités d’application du présent article. »

La nouveauté réside donc dans l’obligation de présenter, au greffe, le projet d’assignation et d’attendre que celui-ci communique la date d’audience qui permettra ensuite de faire signifier l’acte au défendeur.

Au-delà de l’incertitude du mécanisme qui sera prévu par arrêté, le nouveau système risque de générer de graves difficultés. Les rédacteurs du texte semblent ignorer les contraintes pesant sur les avocats parfois saisis, in extremis, en limite d’un délai pour agir. Les greffiers vont désormais devoir gérer un afflux de projets d’assignation. Un outil informatique sera-t-il mis en place pour qu’une réponse automatique soit apportée ? À défaut, dans quel délai le demandeur pourra-t-il espérer obtenir une réponse ? En l’absence de réponse immédiate du greffe, cette nouvelle exigence ne manquera pas d’aggraver le risque de responsabilité civile de l’avocat.

Imposer à l’avocat de constituer le projet de son assignation peut se comprendre puisqu’il permet au greffe d’organiser la charge des audiences et même éviter les « erreurs d’aiguillage » des dossiers. Un dispositif similaire existe dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (C. pr. civ., annexe du code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle). Mais celui-ci est conçu de manière différente et logique. En matière de procédure écrite, la demande en justice peut être formée par la remise au greffe d’un acte introductif d’instance en double exemplaire signé par l’avocat du demandeur (annexe, art. 31). Ceci signifie que les délais pour agir sont alors interrompus. Le président détermine, par ordonnance, la date à laquelle l’affaire sera appelée devant le président et désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle elle est distribuée (annexe, art. 32). L’acte introductif d’instance et l’ordonnance du président sont signifiés quinze jours au moins avant la date fixée (annexe, art. 33). Voilà un dispositif logique, efficace, qui remplit très exactement le même but que celui poursuivi par le nouveau texte à la différence qu’il ne fait encourir sur l’avocat aucun risque de prescription ou de forclusion.

Le nouveau texte risque donc de générer un contentieux spécial pour les actes soumis à prescription ou forclusion. Le demandeur qui adresse son projet d’assignation au greffe à huit heures, le dernier jour pour agir, et qui ne reçoit une réponse que trois jours plus tard sera forclos ou prescrit. Il n’aura d’autre ressource que d’assigner immédiatement après la communication de la date par le greffe en tentant d’invoquer les dispositions de l’article 2234 du code civil : « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. » Dans l’hypothèse où le juge refuserait de reconnaître ici un empêchement résultant de la loi ou de la force majeure, la question de la rupture du principe d’égalité entre les justiciables ne manquerait pas de se poser. En effet, les délais pour agir seraient ainsi amputés du délai de réponse du greffe, variable selon les juridictions. La question d’une éventuelle atteinte au droit d’accès au juge pourra également se poser.

Ménageons pour l’heure nos alarmes et attendons l’arrêté ministériel et sa mise en œuvre pratique.

Les délais de remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du code de procédure civile est actuellement rédigé en ces termes : « La juridiction est saisie, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

La copie de l’assignation doit être remise dans le délai de deux mois suivant la communication de la date d’audience par la juridiction effectuée selon les modalités prévues à l’article 748-1.

Toutefois, la copie de l’assignation doit être remise au plus tard quinze jours avant la date de l’audience lorsque :

  1. La date d’audience est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à l’article 748-1 ;
     
  2. La date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction selon les modalités prévues à l’article 748-1.

La remise doit avoir lieu dans les délais prévus aux alinéas précédents sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie. »

À compter du 1er janvier 2021, le nouvel article 754 dispose (C. pr. civ., art. 754 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 7°) : « La juridiction est saisie, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

Sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date.

En outre, lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication.

La remise doit avoir lieu dans les délais prévus aux alinéas précédents sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie. »

Les délais résultant du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 sont – a priori inchangés.

L’assignation doit être placée :

  • quinze jours avant l’audience ;
     
  • si la date d’audience est communiquée par voie électronique, le placement doit intervenir dans les deux mois de cette communication.

Une modification de taille est toutefois apportée. Il s’agit du deuxième alinéa du nouveau texte : « Sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Un exemple suffit pour comprendre la difficulté :

  • le greffe communique le lundi 1er février 2021 une date d’audience fixée au mercredi 17 février 2021 ;
     
  • le greffe a donc communiqué une date seize jours avant l’audience et donc « plus de quinze jours à l’avance » ;
     
  • le demandeur devra donc remettre son assignation « au moins quinze jours avant (la date d’audience) » soit au plus tard le mardi 2 février 2021 ;
     
  • cela lui laissera donc moins de vingt-quatre heures pour faire délivrer l’assignation et la remettre au greffe.

Je sais que l’on m’objectera que rares sont les juridictions permettant des fixations aussi rapides. Toujours est-il qu’il en existe et que le texte, tel qu’il est rédigé, permettra d’aboutir à une telle aberration.

Rappelons que ces règles sont prescrites à peine de caducité de l’assignation et qu’une assignation caduque car placée hors délai n’aura bien entendu jamais interrompu les délais pour agir.

L’allègement des mentions obligatoires dans les requêtes

Pour les requêtes, notons que l’indication des « modalités de comparution devant la juridiction » sera désormais à la charge du greffe lors de la convocation du défendeur (C. pr. civ., art. 54 et 758 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 1° et 8°).

Le champ de la RO dans les matières relevant de la compétence exclusive du TJ

L’article 761, alinéa 5, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, a étendu la représentation obligatoire par avocat aux « matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire ».

Cette question ne semblait pas poser de difficulté.

Or le nouveau texte modifie ainsi cette disposition (C. pr. civ., art. 761 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 9°) : « Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire qui ne sont pas dispensées du ministère d’avocat, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande. »

La modification apportée au texte prévoit donc la possibilité de restreindre le champ de la RO. Initialement automatique pour les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, elle pourrait donc être facultative si la ou les matières concernées le prévoient. Il y aura donc lieu de surveiller les éventuels textes donnant compétence exclusive au TJ pour vérifier s’ils contiennent une dispense du ministère d’avocat.

L’appel des décisions statuant, en cours de mise en état, sur une fin de non-recevoir et de question de fond liée

On sait que l’article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, a donné compétence exclusive au juge de la mise en état (JME) pour statuer sur les fins de non-recevoir et sur l’éventuelle question de fond qui s’en trouverait liée. Le dispositif prévoit la possibilité d’un renvoi de ces questions devant la formation de jugement afin qu’elle statue.

Ces décisions, qu’elles émanent du JME ou de la formation de jugement, sont susceptibles d’appel dans le délai de quinze jours à compter de leur signification. La possibilité de relever appel est étendue à la décision tranchant la question de fond liée à l’examen de la fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 795 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 11°). L’appel relèvera ici du circuit court prévu à l’article 905 du code de procédure civile qui est également modifié (C. pr. civ., art. 905 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 22°).

Cette modification est la bienvenue même si l’on reste réservé sur la complexité générale de ce dispositif. Le périmètre de la question de fond risque de se confondre parfois avec l’ensemble du litige. Un exemple permet de s’en convaincre. En matière de responsabilité des constructeurs, une fin de non-recevoir tirée de l’expiration de la garantie décennale peut générer un débat sur plusieurs questions de fond qui doivent nécessairement être abordées pour évacuer la fin de non-recevoir : la date de la réception, la nature de la réception, la nature des désordres. Au regard des intérêts habituellement en jeu en cette matière, le risque d’une multiplication des appels est ici certain, avec, à terme, un engorgement des juridictions d’appel.

Précisions sur les exceptions à la RO devant le tribunal de commerce

Le nouveau texte modifie l’article 853 du code de procédure civile pour prévoir une exception à la représentation obligatoire par avocat sur le modèle de l’exception existant déjà devant le TJ (C. pr. civ., art. 853 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 19°).

Le troisième alinéa de cet article est ainsi rédigé : « Les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 € ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 €, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37. »

Cette modification qui harmonise les règles est logique.

Suppression de la nécessité d’indiquer, dans la déclaration d’appel, les pièces sur lesquelles la demande de l’appelant est fondée

Qu’il s’agisse de l’appel avec représentation obligatoire (C. pr. civ., art. 901) ou sans représentation obligatoire (C. pr. civ., art. 933), les textes régissant le contenu de la déclaration d’appel et issus du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 opéraient un renvoi à l’ensemble des mentions prescrites par l’article 57 du code de procédure civile. Il en résultait la nécessité de mentionner « l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ».

Cette disposition était totalement injustifiée puisqu’en cause d’appel, les pièces qui seront versées aux débats ne seront connues qu’au moment de la rédaction des conclusions d’appel auxquelles se trouve annexé le bordereau. La chancellerie a toujours refusé de reconnaître ici une quelconque erreur. Elle avait même affirmé : « Cette exigence s’applique à la déclaration d’appel par renvoi de l’article 901. La déclaration d’appel doit désormais comporter l’indication des pièces sur lesquelles la demande est formée. Il n’est imposé aucune forme, y compris sous forme de bordereau. Par ailleurs, l’indication des pièces visées dans la déclaration d’appel n’interdit pas aux parties d’enrichir ce bordereau de nouvelles pièces au gré de l’évolution de leurs écritures » (Réforme de la procédure civile, FAQ, DACS, févr. 2020).

Quoi qu’il en soit, les textes sont heureusement modifiés et suppriment une telle exigence, y compris pour la déclaration de pourvoi en matière d’élections professionnelles, procédure également concernée par cette véritable ineptie procédurale (C. pr. civ., art. 901, 933, 1000 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 21°).

Cette suppression ne prenant effet qu’à compter du 1er janvier 2021, il sera préférable, pour les déclarations d’appel formées jusqu’au 31 décembre 2020, de respecter les dispositions actuelles même si le grief, au sens de l’article 114, alinéa 2, du code de procédure civile, est tiré de l’absence d’indication des pièces reste difficile à caractériser.

La mention de « l’objet de la demande » dans la déclaration d’appel

En attendant la mise à jour effective du code sur le site de Legifrance la reconstitution de celui-ci, article par article, offre quelques surprises. Il en va ainsi de la déclaration d’appel. La modification concerne tant la procédure avec représentation obligatoire que celle sans représentation obligatoire. Certes la nécessité de l’indication des pièces est supprimée mais le remède qui est ici apporté par le texte risque de s’avérer pire que le mal.

En effet les nouveaux articles 901 (appel avec représentation obligatoire) et 933 (appel sans représentation obligatoire) opèrent un renvoi aux mentions des « 2° et 3° de l’article 54 ». (C. pr. civ., art. 901 et 933 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 21°). Il s’ensuit que la déclaration d’appel devra désormais comporter, en plus des mentions déjà requises, « l’objet de la demande » (C. pr. civ., art. 54, 2°).

La charge pesant sur le rédacteur de la déclaration d’appel, à compter du 1er janvier 2021, s’aggrave donc dans des proportions considérables.

Cette obligation reste ici incompréhensible, sinon diabolique, puisque l’appelant dispose d’un délai de trois mois pour déposer ses conclusions.

A terme plus rien ne s’opposera à ce que l’appelant ait l’obligation de conclure dès la formalisation de l’appel.
On précisera, à titre documentaire, que le pourvoi en matière électorale se trouve alourdi de la même obligation (C. pr. civ., art. 1000 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 21°).

Le nouveau domaine du déféré devant la cour d’appel

Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours indépendamment de l’arrêt sur le fond. Certaines d’entre elles peuvent toutefois bénéficier d’une sorte de double degré de juridiction par la voie du déféré. Ces règles sont prévues à l’article 916 du code de procédure civile.

Peuvent être déférées les ordonnances qui ont pour effet de mettre fin à l’instance, qui constatent son extinction ou qui ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Le texte actuellement en vigueur étend ce recours aux ordonnances qui statuent « sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l’instance, sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ».

Le nouveau décret supprime la référence aux ordonnances statuant sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1. Il s’agit, en pratique, du contentieux des délais pour conclure en appel ou pour former appel incident ou appel provoqué, de même que celui lié au non-respect de la communication par voie électronique. En revanche il en étend la possibilité à l’encontre de toute ordonnance statuant sur « une fin de non-recevoir » et la maintient à l’égard de celle se prononçant « sur la caducité de l’appel » (C. pr. civ., art. 916 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 23°).

Contrairement à notre première lecture, sans doute trop rapide du dernier décret, celui-ci ne réduit pas le domaine du déféré mais, bien au contraire, a pour effet de l’étendre.

Les procédures sans audience

Le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 précise les conditions dans lesquelles se déroulent les procédures sans audience. Il en existe en réalité deux types : celle qui peut être réclamée directement par les parties (COJ, art. L. 212-5-1) et celle résultant de la demande, faite au juge par l’une des parties, d’être dispensée de se présenter à une audience ultérieure (C. pr. civ., art. 446-1).

Les règles sont ici unifiées et déclinées, dans les mêmes termes, suivant la juridiction concernée et le type de procédure sans audience :

  • le juge organise les échanges entre les parties ;
     
  • celles-ci formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit ;
     
  • la communication entre elles est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du juge dans les délais qu’il impartit ;
     
  • le juge fixe la date avant laquelle les parties doivent communiquer au greffe leurs prétentions, moyens et pièces ;
     
  • à cette date, le greffe informe les parties de la date à laquelle le jugement sera rendu.

Pour la procédure sans audience, conduite à la demande des parties (COJ, art. L. 212-5-1), il est en outre prévu deux autres dispositions :

  • la décision est contradictoire ;
     
  • le juge peut décider d’organiser une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.

Ces règles sont reprises pour les procédures suivantes.

Pour la procédure sans audience réclamée par les parties (COJ, art. L. 212-5-1) :

  • procédure orale devant le TJ (C. pr. civ., art. 828 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 13°) ;
     
  • ordonnance de référé devant le TJ (C. pr. civ., art. 836-1 ; créé par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 16°) ;
     
  • procédure accélérée au fond devant le TJ (C. pr. civ., art. 839 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 17°) ;
     
  • procédure à jour fixe devant le TJ (C. pr. civ., art. 843 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 18°).

Pour la procédure sans audience pour laquelle une partie demande à être dispensée de comparaître (C. pr. civ., art. 446-1) :

  • procédure orale devant le TJ (C. pr. civ., art. 831 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 14°) ;
     
  • procédure devant le tribunal de commerce (C. pr. civ., art. 861-1 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 20°) ;
     
  • appel sans RO (C. pr. civ., art. 946 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 1er, 24°) ;
     
  • procédure devant le juge de l’exécution (CPCE, art. R. 121-9 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 2, 3°) ;
     
  • recours concernant les litiges mentionnés au 7° de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale (CSS, art. R. 142-13-3 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 3, 1°) ;
     
  • bureau de jugement du conseil de prud’hommes (C. trav., art. R. 1454-19-2 ; mod. par décr. n° 2020-1452, art. 4, 1°).

* * *

Le 30 novembre 2020, soit deux jours après la publication du décret objet du présent commentaire, le Conseil national des barreaux a diffusé un communiqué aux termes duquel la chancellerie aurait décidé de « reporter au 1er juillet 2021 l’entrée en vigueur de la prise de date dans les procédures civiles écrites avec représentation obligatoire ». Ce report semble donc être limité à cette seule procédure. Il est donc fort possible qu’un décret modificatif soit publié d’ici la fin de l’année.

Dans son rapport, remis il y a quelques mois au garde des Sceaux, la commission Perben sur l’avenir de la profession d’avocat avait formulé plusieurs propositions (P. Januel, Rapport Perben : comment sauver les avocats ?, Dalloz actualité, 26 août 2020 ; adde, sur ce rapport, D. Perben [entretien], Mission Perben : « des solutions concrètes rapidement réalisables », D. avocats 2020. 483  ; A. Savignat et D. Lecomte, Réflexion sur le rapport Perben, D. avocats 2020. 549 ). L’une d’elles concernait les délais de la procédure d’appel, difficilement tenables et pour lesquels elle indiquait qu’il était possible, pour donner un peu plus de souplesse, de les rallonger, sans engendrer d’effets négatifs. Le nouveau décret institue de nouvelles charges procédurales pour les avocats et modifie plusieurs dispositions concernant la procédure d’appel. Aucune d’entre elles ne va dans le sens des propositions de la commission. Une occasion manquée.

 

Pour allez plus loin, v. F.-X. Berger, Réforme de la procédure civile. Guide à l’usage des praticiens, Dalloz, 2020