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Article
Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 3) : les effets du cautionnement
Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 3) : les effets du cautionnement
L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a été publiée au Journal officiel du 16 septembre. Analyse des dispositions relatives aux effets du cautionnement.
Droit issu de la réforme – Les effets du cautionnement
Les effets du cautionnement font l’objet d’une section 3 au sein du chapitre relatif au cautionnement. Les auteurs de la réforme n’ont pas modifié la structure interne de cette section, celle-ci se déclinant toujours en trois sous-sections consacrées respectivement aux effets du cautionnement entre le créancier et la caution, aux effet du cautionnement entre le débiteur et la caution et aux effets du cautionnement entre les cautions (le terme de cofidéjusseurs, survivance du droit romain, ayant été abandonné, sans doute au nom de la simplification – artificielle – du droit si chère au législateur contemporain). Le cautionnement produit donc une pluralité d’effets, raison pour laquelle il était préférable d’employer le pluriel, conformément à l’avant-projet sous l’égide de l’Association Henri Capitant (l’avant-projet d’ordonnance de la Chancellerie du 18 décembre 2020 avait curieusement envisagé d’employer le singulier). Le législateur a fait œuvre utile en simplifiant un certain nombre de règles, conformément aux vœux de la doctrine (v. à ce sujet, J.-D. Pellier, Les sûretés personnelles en droit prospectif, in L’incidence de la réforme du droit des obligations sur les sûretés personnelles, Les contrats spéciaux et la réforme du droit des obligations, L. Andreu et M. Mignot [dir.], LGDJ, Institut universitaire Varenne, 2017, p. 499, spéc. nos 34 s.).
Effets du cautionnement entre le créancier et la caution
Ce sont tout d’abord les obligations d’information pesant sur le créancier professionnel qui se trouvent unifiées au sein du code civil et corrélativement supprimées des différentes textes au sein desquelles elles pullulaient (pour l’information relative au montant de la dette, C. civ., art. 2293 anc. ; C. consom., art. L. 333-2 et L. 343-6 ; CMF, art. L. 313-22, Loi du 11 févr. 1994 relative à l’initiative et l’entreprise individuelle, art. 47, II ; pour l’information relative à la défaillance du débiteur, C. consom., art. L. 314-17, L. 333-1 et L. 343-5 ; CMF, art. L. 313-22 ; Loi du 11 févr. 1994 relative à l’initiative et l’entreprise individuelle, art. 47, II).
Le nouvel article 2302 prévoit ainsi une obligation d’information relative au montant de la dette : « Le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. Le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée. Le présent article est également applicable au cautionnement souscrit par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise » (le rapport au président de la République précise qu’« Il est prévu depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que la réalisation de cette obligation ne peut être facturée à la caution. Le nouvel article 2302 va plus loin en affirmant que cette information est fournie aux frais du créancier, ce qui lui interdit de la facturer au débiteur principal »).
Le nouvel article 2303 devient quant à lui, le réceptacle de l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur : « Le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette ». L’article 2304 étend opportunément ces obligations d’information au sous-cautionnement (figure désormais définie par l’art. 2291-1 c. civ.) : « Dans le mois qui en suit la réception, la caution communique à ses frais à la sous-caution personne physique les informations qu’elle a reçues en application des articles 2302 et 2303 ». Cela est parfaitement logique, dans la mesure où la caution est le créancier de la sous-caution. Il est donc normal qu’elle soit tenue à son égard des mêmes obligations que le créancier. On observera toutefois que cette caution peut ne pas être un professionnel, ce qui jure avec le domaine des articles 2302 et 2303. Toutes ces modifications méritent d’être pleinement approuvées et n’auront, pas plus demain qu’hier, une incidence sur la nature unilatérale du cautionnement (sur cette problématique, v. M. Séjean, La bilatéralisation du cautionnement ?, préf. D. Houtcieff, LGDJ, coll. « Bibl. dr. privé », 2011, t. 528).
Les textes suivants n’innovent pas fondamentalement, dans la mesure où ils reprennent, pour l’essentiel, les dispositions relatives aux bénéfices de discussion (art. 2305 et 2305-1, la caution n’étant toutefois plus tenue d’avancer les frais de la discussion) et de division (art. 2306 à 2306-2) ainsi qu’au « reste à vivre » (art. 2307).
Effets du cautionnement entre le débiteur et la caution
Fondamentalement, l’architecture des recours après paiement n’est pas modifiée par la réforme, l’ordonnance s’étant contentée de moderniser et de préciser les textes relatifs aux recours personnels (C. civ., art. 2308) et subrogatoire (C. civ., art. 2309), sans toutefois prendre parti sur leur fondement (sur cette question, v. J.-D. Pellier, Essai d’une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d’obligation – Contribution à l’étude du concept de coobligation, préf. P. Delebecque, LGDJ, coll. « Bibl. dr. privé », t. 539, 2012, nos 259 s.) et sans indiquer qu’ils pouvaient parfaitement se cumuler (v. en ce sens, Civ. 1re, 29 nov. 2017, n° 16-22.820). Mais il ne fait aucun doute que cela sera toujours possible, ce qui est heureux (v. à ce sujet, L. Bougerol et G. Mégret, Droit du cautionnement, préf. P. Crocq, Gazette du Palais, coll. « Guide pratique », 2018, n° 241).
Le nouvel article 2310 prévoit, quant à lui, que « Lorsqu’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, la caution dispose contre chacun d’eux des recours prévus aux articles précédents ». À première vue, l’on pourrait croire qu’il y a là une reprise pure et simple des dispositions de l’actuel article 2307, le nouveau texte précisant tout au plus que les deux types de recours sont ouverts à la caution solvens (ce qu’affirment d’ailleurs les auteurs de la réforme). Mais la règle est en réalité modifiée dans la mesure où l’article 2307 prévoit que « Lorsqu’il y avait plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, la caution qui les a tous cautionnés, a, contre chacun d’eux, le recours pour la répétition du total de ce qu’elle a payé » (c’est nous qui surlignons). Seule l’hypothèse où la caution s’était engagée pour chacun des codébiteurs solidaires était donc formellement envisagée envisagée (V. cependant Com., 27 nov. 1978, n° 76-14.520), ce qui était incohérent, car la dette est unique pour l’ensemble des coobligés et il était donc logique de considérer que la caution s’étant engagée à garantir cette dette puisse exercer un recours (personnel ou subrogatoire) à l’encontre de chacun, peu important qu’elle ne se soit pas formellement engagée à l’égard de tous (v. en ce sens J.-D. Pellier, op. cit., n° 264). Au demeurant, l’on peut parfaitement cautionner une personne à son insu (C. civ., nouv. art. 2288, al. 2 ; act. art. 2291, al. 1er). La caution bénéficie donc désormais d’une sollicitude plus grande de la part du législateur. Elle doit toutefois se montrer vigilante, les hypothèses de déchéance de ses recours étant reprises au sein de l’article 2311, qui supprime en outre la condition relative à l’absence de poursuite de la caution (dans le but d’ « inciter la caution à systématiquement informer le débiteur principal du paiement à intervenir ») : « La caution n’a pas de recours si elle a payé la dette sans en avertir le débiteur et si celui-ci l’a acquittée ultérieurement ou disposait, au moment du paiement, des moyens de la faire déclarer éteinte. Toutefois, elle peut agir en restitution contre le créancier ». On sait que la jurisprudence avait considérablement étendu le domaine du second cas de déchéance, prévu par l’actuel article 2308 du code civil en son alinéa 2 (« Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier »). La première chambre civile de la Cour de cassation a en effet récemment considéré qu’« Il résulte des constatations de l’arrêt qu’au moment du paiement effectué par la caution, les emprunteurs n’avaient pas de moyens de faire déclarer leur dette éteinte, mais disposaient de la possibilité d’obtenir l’annulation du contrat de prêt » et que « Dès lors que cette annulation conduisait à ce qu’ils restituent à la banque le capital versé, déduction faite des sommes déjà payées, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que leur obligation de remboursement à l’égard de la caution devait être limitée dans cette proportion » (Civ. 1re, 9 sept. 2020, n° 19-14.568, Dalloz actualité, 25 sept. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 1789 ; ibid. 2021. 483, chron. X. Serrier, S. Robin-Raschel, S. Vitse, Vivianne Le Gall, V. Champ, C. Dazzan, E. Buat-Ménard et C. Azar ; AJ contrat 2020. 574, obs. D. Houtcieff . Comp. Civ. 1re, 24 mars 2021, n° 19-24.484, Dalloz actualité, 9 avr. 2021, obs. J.-D. Pellier). C’était doublement trahir la lettre de l’article 2308, alinéa 2 : d’une part, les débiteurs se trouvent partiellement déchargés (alors que le texte prévoit une déchéance totale) et, d’autre part, ils sont exposés à cette déchéance alors qu’ils n’ont pas, à proprement parler, « des moyens pour faire déclarer la dette éteinte » (celle-ci ayant été annulée). Le nouveau texte employant les même termes que l’ancien, l’on peut subodorer que cette solution (malgré tout mesurée) sera toujours d’actualité.
Enfin, les recours avant paiement, qui étaient envisagés par l’article 2309 du code civil, se trouvent purement et simplement supprimés par la réforme, le rapport au président de la République indiquant à ce sujet que « De nombreux cas prévus par ce texte sont en effet désuets. De plus, la faculté pour la caution d’être indemnisée alors qu’elle n’a pas encore payé est critiquable ».
La caution pourra néanmoins pratiquer une mesure conservatoire, sa créance de recours prenant au demeurant naissance dès son engagement (v. par ex., Com. 1er mars 2005, n° 02-13.176, D. 2005. 1365 , note P. M. Le Corre ; ibid. 2078, obs. P. Crocq ; v. à ce sujet, A. Gouëzel, La date de naissance de la créance de recours de la caution, in Mélanges en l’honneur de Corinne Saint-Alary-Houin, Un droit « positif », un droit de progrès, LGDJ, 2020). L’avant-projet d’ordonnance diffusé par la Chancellerie le 18 décembre 2020 contenait d’ailleurs un article 2315 aux termes duquel « La caution peut, même avant d’avoir payé, pratiquer une mesure conservatoire sur tout bien du débiteur dans les conditions prévues au livre V du code des procédures civiles d’exécution ». Même si le principe des recours avant paiement ne manquait pas de fondement (v. à ce sujet, J.-D. Pellier, op. cit., n° 174), l’on peut approuver leur suppression : il pouvait en effet paraître curieux que la caution puisse agir contre le débiteur avant même d’avoir payé. Au demeurant, la possibilité de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur suffit amplement à lui assurer la possibilité d’exercer, une fois qu’elle aura payé, un recours personnel ou subrogatoire.
Effets du cautionnement entre les cautions
Le nouvel article 2312, unique texte de la section relative à l’effet du cautionnement entre les cautions, prévoit qu’« En cas de pluralité de cautions, celle qui a payé a un recours personnel et un recours subrogatoire contre les autres, chacune pour sa part ». Il diffère ainsi de l’actuel article 2310 sur deux points : d’une part, les deux recours sont formellement consacrés par le nouveau texte (alors que l’actuel texte prévoyait simplement, en son alinéa 1er, que « Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion »). La controverse relative au domaine de ce texte se trouve ainsi définitivement tranchée (on sait en effet que, pour certains auteurs, l’article 2310 ne vise que le recours personnel, le recours subrogatoire étant directement fondé sur les textes relatifs à la subrogation. V. à ce sujet, J.-D. Pellier, op. cit., n° 261). Au demeurant, comme l’avait relevé le Doyen Jacques Mestre, « l’opposition demeure cependant des plus réduites dans la mesure où tous, aujourd’hui, s’accordent pour dire que le cofidéjusseur solvens a bien, de toute façon, deux recours : un recours subrogatoire ainsi appuyé pour les uns sur l’article 2033 ou bien, directement pour les autres, sur l’article 1251-3°, et un recours personnel (…) » (J. Mestre, Les cofidéjusseurs, Dr. et patr. avr. 1998. 64). D’autre part, l’ordonnance a supprimé l’alinéa 2 de l’ancien article 2310, qui disposait que « ce recours n’a lieu que lorsque la caution a payé dans l’un des cas énoncés en l’article précédent », c’est-à-dire l’ancien article 2309 relatif aux recours avant paiement. Cela est tout à fait logique puisque lesdits recours ont été supprimés.
Sur l’ordonnance « Réforme du droit des sûretés », Dalloz actualité a également publié :
• Réforme du droit des sûretés : saison 2, par Jean-Denis Pellier le 17 septembre 2021
• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 1) : le cautionnement (dispositions générales), par Jean-Denis Pellier le 20 septembre 2021
• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formation et étendue du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 19 septembre 2021
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