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Réforme du régime de retraite des avocats : « on aura du mal à conserver notre petit village gaulois »

Jean-Paul Delevoye a dévoilé les contours de la réforme des retraites le 18 juillet. Ses recommandations ont pour objectif de dessiner le futur « système universel » de retraite censé remplacer les quarante-deux régimes existants. Dont celui des avocats. Problème : ces derniers n’en veulent pas.

par Thomas Coustetle 19 juillet 2019

Dans le nouveau système, un euro cotisé donnera lieu aux mêmes droits. Les actifs salariés ou fonctionnaires seront logés à la même enseigne avec un taux de cotisation unique de 28,12 %, partagé comme aujourd’hui entre l’employeur (60 %) et le salarié (40 %). Une exception est toutefois posée pour les indépendants « afin de préserver l’équilibre économique de leur activité », promet le rapport. Jusqu’à 40 000 € de revenus, ils cotiseront au même niveau que les salariés et fonctionnaires. Ce niveau passerait à 12,94 % entre 40 000 et 120 000 € de revenus. « En contrepartie d’une hausse de cotisation retraite, les indépendants paieraient ainsi moins de CSG », indique le texte.

Hausse des charges inévitable

Avec une telle réforme, les avocats subiraient une hausse des cotisations de 14 % à 28 %, assure la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Un doublement des cotisations qui va se traduire mécaniquement par une hausse des charges de 46 à 60 %. Les avocats perdraient, par ailleurs, tous les avantages liés au principe de solidarité professionnelle de leur régime, « alors que ce principe protège les avocats aux revenus plus faibles et leur garantit ainsi le plein exercice de leur fonction »,  observe Me Christophe Thevenet, avocat et membre du Conseil national des barreaux (CNB).

Géré par la CNBF, le régime de base de retraite des avocats est jusqu’à présent autonome et largement excédentaire avec deux milliards d’euros de réserves. Il assure un revenu minimum de 1 416 € par mois, contre 1 000 € après la réforme. Soit une baisse de 416 €. Les avocats bénéficient, par ailleurs, d’un régime avantageux « qui contribue à la solidarité nationale », observe Me Christophe Thevenet. La caisse a, en effet, reversé aux autres caisses un peu moins de 77 000 € en 2017 au titre de la compensation interrégime.

« La disparition du régime de base signe la fin de l’équilibre financier actuel entre les confrères ayant des parcours différents », analyse-t-il, avec désormais « des droits à naître inférieurs à ceux que nos régimes servent aujourd’hui ». Selon Me Thevenet, « on aura du mal à conserver notre petit village gaulois ».

Mobilisation le 16 septembre prochain contre la « taxe retraite »

Le projet concède toutefois que, « s’agissant des avocats, des mécanismes de soutien internes à la profession pourront être prévus pour conserver la logique de solidarité et de redistribution qui leur est propre ». Autrement dit, « permettre d’utiliser la réserve excédentaire pour compenser les disparités à venir. Avec ce système, ce seront les plus jeunes avocats qui seront perdants », déplore Me Thevenet.

Le régime universel doit entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Le CNB appelle d’ores et déjà à une « mobilisation sans précédent » le 16 septembre prochain contre « cette taxe retraite », comme le qualifie Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB. « Doubler les cotisations retraite des avocats, c’est condamner une profession à la mort économique. Et avec elle l’accès au droit ! », s’indigne-t-elle.