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Refus d’homologation d’une CRPC et placement en détention : une incompatibilité quasi automatique

Le juge ayant refusé d’homologuer la peine proposée par le procureur de la République dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), pour un motif distinct du cas de rétractation de cette reconnaissance de culpabilité par la personne en cause, ne peut intervenir ensuite en qualité de juge des libertés et de la détention (JLD).

par David Pamart, Magistratle 16 novembre 2023

La chambre criminelle, par cet arrêt, revient sur ce qu’un auteur avait qualifié de « conception a minima de l’impartialité fonctionnelle» des magistrats (P.-J. Delage,  Une conception a minima de l’impartialité fonctionnelle, RSC 2018. 721 ). Cette seule raison justifierait de s’y intéresser. Il apporte, au surplus, d’utiles précisions concernant la recevabilité d’un moyen critiquant l’impartialité objective du JLD en l’absence de demande de récusation.

En l’espèce, un prévenu, déféré à l’issue de sa garde à vue, fait l’objet d’une CRPC notamment sous la qualification d’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraire avec libération volontaire. Après avoir accepté la peine proposée par le procureur de la République, il comparait devant le juge chargé de l’homologation. Lors de cette audience, la victime soulève que, n’ayant pas été libérée volontairement, les faits étaient de nature criminelle. Le juge refuse alors l’homologation de la peine proposée, motivant sa décision par des faits susceptibles de recevoir une qualification criminelle. La procédure fait immédiatement l’objet d’une ouverture d’information judiciaire. L’intéressé est mis en examen puis placé en détention provisoire par le JLD qui a, quelques heures plus tôt, refusé l’homologation.

Sur appel de l’intéressé, la chambre de l’instruction décide que la demande d’annulation de l’ordonnance de placement en détention fondée sur le manque d’impartialité du JLD est irrecevable et confirme le placement en détention.

L’intéressé forme alors un pourvoi contestant la décision d’irrecevabilité rendue ainsi que l’impartialité du JLD.

La procédure de récusation, un préalable de moins en moins obligatoire

Absente du code d’instruction criminelle de 1808, hormis la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime (C. instr. crim., art. 542 à 552. ; v. Faustin Hélie et Boitard, Leçons de droit criminel, Librairies du Conseil d’État, 1876, nos 854 à 856), la procédure de récusation émerge en jurisprudence qui, très rapidement, décide que les dispositions du code de procédure civile sont applicables en matière criminelle (Crim. 13 févr. 1846, DP 1846. I. 153). En 1958, le code de procédure pénale institue un Titre septième intitulé « de la récusation » (C. pr. pén., art. 668 à 674-2) concernant la procédure de récusation des magistrats siégeant devant les juridictions pénales.

L’existence d’une procédure spécifique permettant la récusation du juge conduit la jurisprudence, en application de l’article 669, alinéa 4, du code de procédure pénale, à décider qu’une partie n’est pas recevable, devant la cour d’appel ou de cassation, à mettre en cause l’impartialité d’un magistrat si elle s’est abstenue d’en demander la récusation, dans les formes prévues par les textes, avant la clôture des débats (Cass., ass. plén. 11 juin 2004, Papon, n° 98-82.323, D. 2004. 2010, et les obs. ; ibid. 2005. 684, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2004. 325, obs. P. Remillieux ; ibid. 327, obs. P. Remillieux ).

Cette position a été affirmée à plusieurs reprises par la chambre criminelle y compris concernant le JLD (Crim. 25 sept. 2018, n° 18-84.067, Dalloz actualité, 19 oct. 2018, obs. D. Goetz ; D. 2019. 334, chron. E. Pichon, G. Guého, A.-S. de Lamarzelle, G. Barbier et L. Ascensi ; RSC 2019. 132, obs. P.-J. Delage ; JCP 2018. 1275, note A. Botton ; Dr. pénal 2018, n° 202, note A. Maron et M. Haas ; 28 janv. 2020, n° 19-80.091, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. A. Roque ; D. 2020. 864 , note A. Dejean de la Bâtie ; AJ pénal 2020. 135, obs. A. Dumas-Montadre ; RSC 2020. 336, obs. E. Monteiro ).

Cependant, les contraintes de la procédure pénale font qu’il n’est parfois pas possible de connaître le motif d’un éventuel manque d’impartialité en temps utile, et de présenter une demande en récusation. Il a été nécessaire de prévoir des aménagements à ce principe et d’admettre que le grief tiré d’un défaut d’impartialité pouvait être présenté, même sans demande préalable de récusation, dans des cas particuliers. Cela a notamment été admis :

  • lorsqu’il n’est possible de connaître qu’après l’audience le grief susceptible de faire naître un doute sur l’impartialité (Crim. 14 oct. 2009, n° 09-85.069, dans une affaire où le demandeur faisait valoir le défaut d’impartialité du JLD pour des motifs liés aux conditions du délibéré ; 19 mai 2015, n° 15-81.334, dans une affaire où ce doute résultait des énonciations de l’ordonnance attaquée) ;
  • lorsque le JLD a statué sur les suites données à un mandat d’arrêt qu’il avait lui même décerné lors d’une condamnation par défaut (Crim. 30 mars 2011, n° 10-86.140, Dalloz actualité, 22 avr. 2011, obs. M. Léna ; D. 2011. 1083 ; ibid. 1849, chron. C. Roth, A. Leprieur et M.-L. Divialle ) ;
  • lorsque la décision n’a pas été rendue à l’issue d’un débat contradictoire (Crim. 19 déc. 2012, n° 12-81.350 P ; 27 févr. 2013, n° 11-88.471 P, dans une affaire concernant une ord. sur requête rendue par le JLD, D. 2013. 637 ; AJ pénal 2013. 418, obs. J. Lasserre Capdeville ).

La chambre de...

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